Les applications agricoles de CRISPR-Cas9 restent interdites en Europe
La technique des ciseaux moléculaires, qui permet de réaliser en quelques mois ce que la nature seule met des décennies à bâtir, s’apprête à révolutionner l’agriculture. Depuis le néolithique, l’homme a cherché à améliorer ses cultures en sélectionnant et en croisant les espèces les plus résistantes. Mais, au XXe siècle, il s’est doté d’outils pour orienter et accélérer les mutations. La mutagenèse aléatoire apparaît dès la fin des années 1920. La technique consiste à irradier (aux rayons X ou gamma) des semences, ou à les bombarder de molécules chimiques, afin de provoquer des mutations aléatoires : au fil des décennies, cette technique va donner naissance à plus de 3 200 variétés, toujours consommées aujourd’hui (comme le riz rond de Camargue) Un autre procédé se développe par la suite : la transgénèse, qui correspond aux « OGM » tels que les définissent les scientifiques : il s’agit d’insérer dans un génome une portion de gène étranger, possiblement d’une espèce éloignée. Sous l’influence des mouvements antimondialistes, inquiets de la mainmise de grands groupes sur ces technologies, l’Union européenne adopte en 2001 une directive encadrant drastiquement les OGM, conduisant à leur interdiction de fait dans la plupart des pays. Aujourd’hui, l’invention de CRISPRCas9 ouvre de nouvelles perspectives : l’outil, peu cher et simple d’utilisation, permet, en éditant le génome, de couper ou, au contraire, d’amplifier des gènes précis de certaines plantes (comme le gène de sensibilité à une maladie, de dépendance à l’eau, etc.). En clair : de mettre à la sélection classique un coup de turbo. Les projets de recherche, y compris en Europe, sont déjà légion, pour développer des plantes résistantes à la sécheresse ou aux maladies. Et pourtant… Aucune de ces plantes ne peut être cultivée en Europe. En 2018, à la demande de neuf organisations anti-OGM françaises dénonçant les « OGM cachés » dans les cultures issues de mutagénèse, la Cour de justice européenne a tranché : seront juridiquement considérés comme OGM tous les organismes dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement. CRISPR-Cas9 entre dans cette définition…
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