Cotta et Namias s’amusent à nous faire peur
Ces deux figures de la presse ont imaginé un roman plus vrai que nature…
La politique n’est plus une science, mais une improbable scène de théâtre, où comédiens chevronnés et nouveaux venus qu’on croirait formés à la ligue d’improvisation partagent l’affiche. Sans que l’on sache, au moment où le rideau se lève, qui recueillera les applaudissements.
Qui aurait parié que le magnat des médias italien Berlusconi serait porté à trois reprises au palais Chigi, siège du président du Conseil ? Qu’un ancien promoteur immobilier et animateur de télé-réalité, Donald Trump, s’installe à la Maison-Blanche ? Qu’un banquier d’affaires, éphémère conseiller d’un président et bref ministre, s’essaierait au suffrage universel en s’installant à l’Élysée ? Le destin de ces personnages nous enseigne que, désormais, tout est possible. Et pourquoi pas l’élection d’une jeune femme issue de l’extrême droite, qui, en 2025, battrait à plate couture les représentants des partis traditionnels ? Michèle Cotta et Robert Namias, vieux loups de mer de la politique, n’ont pas succombé à une overdose de Baron noir, la série de Canal+. Ils ont simplement vidé leurs carnets, observé les forces telluriques qui recomposent la géographie politique, prolongé les courbes des sondages, misé sur les ralliements, les trahisons, les ambitions, jaugé l’irresponsabilité des médias et mesuré la colère et la violence qui montent dans la société française. Dans Le Brun et le Rouge (Robert Laffont), tout est faux, mais tout peut devenir vrai. Chaque coup de théâtre est plausible, rendant plus probable encore le grand basculement dont il dessine un scénario haletant, souvent convaincant et truffé d’allusions aux personnages et à la vie politique d’aujourd’hui. On termine le livre conquis par la maestria des auteurs, mais effrayés qu’ils aient pu nous faire passer les vessies de leur imagination romanesque pour les lanternes d’un essai sur la situation politique et sociale d’un pays fatigué et las de lui-même ■
Le Brun et le Rouge, de Michèle Cotta et Robert Namias (Robert Laffont, 396 p., 20 €).