Whodunit curry-gingembre
L’Attaque du Calcutta-Darjeeling, d’Abir Mukherjee. Traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle (Folio, 454 p., 8,50 €).
C’est le champion 2020 du prix Le Point du Polar européen et, Brexit oblige, peut-être notre dernier lauréat britannique (même si l’on parle ici d’un Britannique assez atypique, Abir Mukherjee étant né à Londres de parents bengalis et se considérant comme écossais). Son Attaque du Calcutta-Darjeeling, enfin en poche, est comme lui : un savant alliage, ici de curry-gingembre, d’humour britannique et d’histoire (le Calcutta de 1919). Dans un chaudron où bouillonnent vengeance et indépendance, racisme et domination culturelle, un haut fonctionnaire est retrouvé égorgé dans le caniveau avec un message griffonné dans la bouche. Sur le coup, en guise de Holmes et de Watson, Sam Wyndham, capitaine de Scotland Yard revenu opiomane de la Grande Guerre, et le sergent Banerjee, éduqué à Cambridge – voyez comme Mukherjee aime rebrousser les poils. À la fois roman noir exotique et méchante satire du passé colonial britannique, voilà Philip Kerr et Jussi Adler-Olsen au pays de Tagore, à l’ombre de Kipling
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Italie, début du XVIe siècle. Alors qu’il vient de terminer le plafond de la chapelle Sixtine, Michelangelo Buonarroti (1475-1564), artiste tant haï qu’admiré, est tiraillé entre la famille Della Rovere – pour laquelle il doit réaliser le tombeau du pape Jules II – et la famille rivale des Médicis – pour laquelle il accepte de réaliser la façade de la basilique San Lorenzo. Le réalisateur russe Andreï Konchalovski, qui s’est toujours intéressé au rapport entre artistes et pouvoir – il a lui-même été censuré dans son pays pour son deuxième long-métrage Le Bonheur d’Assia (1967), chronique de la misère paysanne dans les kolkhozes –, nous invite ici à suivre les méandres de la création. Loin du biopic traditionnel, Michel-Ange (Il peccato) traque l’homme de la Renaissance dans ses moindres contradictions, ses doutes, ses superstitions. Et nous offre la « saveur » d’une époque où la cruauté et la barbarie côtoient l’inspiration poétique et la beauté éternelle
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Michel-Ange (Il peccato), d’Andreï Konchalovski, en salle.