Le Point

Mémoires d’espoir

- FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Avec Daniel Cordier, l’ex-secrétaire de Jean Moulin, et Pierre Simonet, Hubert Germain fait partie des derniers compagnons de la Libération encore en vie. Centenaire depuis le 6 août, il en est aussi le doyen, Cordier a quatre jours de moins que lui. Le texte qu’il publie est donc le dernier d’un compagnon sur cette période. Il clôt une mémoire résistante qui a contre elle le passage des génération­s et l’entropie temporelle, mais qui relève la tête depuis une à deux décennies. Deux éléments frappent. D’abord, son sentiment, celui d’avoir appartenu à une chevalerie et qui s’accompagne d’une critique du peuple français, de sa passivité et de son ingratitud­e. Ensuite, son ton, aussi pétaradant qu’enjoué, qui traduit bien l’indécrotta­ble liberté de cet homme qui, à 20 ans, envoya « se faire foutre l’armistice ». L’esprit de révolte ne meurt jamais, la preuve avec ce texte qui, en ces temps de miasmes, fait souffler un vent de fraîcheur et d’espoir : on comprend ce qu’est la force simple et spontanée de la jeunesse. Parmi les anecdotes, on retiendra celle-ci, datant de 1938 : alors que son père commandait l’artillerie en Indochine, le jeune Hubert Germain est convié avec lui chez le général en chef pour un dîner avec des officiers qui évoquent Hitler et renâclent à l’idée de refaire la guerre : du haut de ses 18 ans, il les interrompt : « De toute façon, ce n’est pas vous qui ferez la guerre, c’est nous, ceux de ma génération. » On ne s’étonnera pas de la suite de l’histoire…

Espérer pour la France, d’Hubert Germain (entretiens avec Marc Leroy), (Belles-Lettres, 96 p., 17 €). Extraits sur le point.fr.

Ils sont venus. Ils ont régné. Après huit jours, un mois ou deux, ils sont repartis, ailleurs ou dans la tombe. Ce sont les «rois éphémères», une quarantain­e de destins fulgurants sur lesquels Philippe Delorme s’est penché. Il y a les Allemands, spécialist­es du trône sans lendemain, comme Guillaume d’Urach, propulsé roi de Lituanie en 1918, ou Guillaume de Wied, fugace roi d’Albanie en 1914, chassé dès le déclenchem­ent de la guerre. Il y a les victimes des circonstan­ces, comme le frère de Nicolas II, en mars 1917, ou Humbert II, en Italie, renvoyé après référendum en 1946. Il y a ces enfants impuissant­s, comme Louis II de Hollande, fils de Louis, frère de Napoléon, qui avait abdiqué en faveur de son rejeton, mais que l’oncle « Napo » balaya. Il y a les militaires sans scrupules comme Theodore de Neuhoff (photo), qui promit des canons pour devenir roi de Corse en 1736, avant de filer à l’anglaise. Les farfelus comme ce noble lituanien qui se proclame roi d’Andorre en 1934 avant d’être arraisonné par un inspecteur de police. Les aventurier­s de l’époque coloniale, qui profitent des dernières « terrae nullius » pour devenir roi de Patagonie, des Sédang ou empereur du Sahara… Au final, une riche galerie d’invités surprises

Les Rois éphémères, de Philippe Delorme (Éd. du Cerf, 296 p. 20 €).

 ??  ?? Bayeux, 1946, discours du général de Gaulle. De g. à dr., les compagnons de la Libération André Brunel, Hubert Germain et Jules Muracciole.
Bayeux, 1946, discours du général de Gaulle. De g. à dr., les compagnons de la Libération André Brunel, Hubert Germain et Jules Muracciole.
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