Des prothèses miniatures pour l’arthrose de la main
Efficaces contre la douleur, les implants ne permettent pas encore de retrouver toute sa mobilité.
Vous voyez la différence entre un Airbus et un planeur, ou entre un saint-bernard et un chihuahua ? Elle est du même ordre entre une prothèse de hanche et une du pouce. En cette matinée de septembre, dans le calme du bloc opératoire de la clinique Arago, à Paris, le Dr Christian Couturier a deux interventions à son programme : d’abord chez une femme mûre qui s’est blessé le pouce, puis chez une personne âgée qui souffre d’arthrose de ce doigt. Aux deux, il mettra en place une prothèse de cette articulation appelée trapézométacarpienne. L’implant en titane ressemble en tout point à une prothèse totale de hanche, sauf qu’il mesure 2,5 centimètres et pèse 5 grammes, alors que l’implant au niveau de l’aine est 10 fois plus long et 100 fois plus lourd. « C’est de la chirurgie orthopédique miniature », s’exclame un des confrères du Dr Couturier, croisé dans la salle de repos des praticiens. « Nous ne sommes pas nombreux à opérer des mains arthrosiques, c’est encore nouveau », nous explique Christian Couturier, qui exerçait jusqu’en 2018 au SOS Mains de l’hôpital privé de l’Ouest parisien, à Trappes, et développe cette activité à la clinique Arago – spécialisée dans la chirurgie osseuse et articulaire.
L’arthrose est une maladie extrêmement fréquente, qui touche environ 10 millions de personnes en France, la plupart d’un âge avancé. Douleurs et gêne fonctionnelle affectent plus ou moins leur vie. Les genoux, les pieds et les mains sont les articulations le plus souvent atteintes, loin devant la hanche. Pourtant, ce sont les prothèses totales de cette grosse articulation qui sont, et de loin, les plus anciennes, le plus fréquemment posées, et celles qui offrent les plus gros bénéfices et la plus grande sécurité. « C’est un Français qui a inventé la première prothèse du pouce, en 1971. Mais jusqu’au début des années 2000, elle ne tenait pas. Avec les derniers modèles, nous avons franchi un cap », assure le chirurgien de la main, qui affiche « 96 % de bons résultats et une durée de vie de l’implant de quinze à vingt ans ». L’opération est réalisée en une trentaine de minutes, sous anesthésie locorégionale, en ambulatoire, c’est-à-dire avec une sortie l’après-midi du jour de l’entrée dans l’établissement. Une attelle doit ensuite être portée quelques jours seulement. Deux rendez-vous postopératoires sont prévus, le premier, trois semaines après l’intervention et le second, trois semaines plus tard. Une simple autorééducation du pouce et de la pince de la main est conseillée. Plusieurs autres opérations sont possibles : des arthrodèses, c’est-à-dire des « soudures » des articulations distales des doigts, des ablations, des résections partielles ou des fusions d’os du poignet, des « nettoyages » par arthroscopie du poignet et du pouce…
Biomécanique. Quelle est la place exacte de cette chirurgie dans l’arthrose de la main, et qu’en pensent les médecins rhumatologues qui ne sont pas forcément de chauds partisans du bistouri ? « Rien n’est parfaitement défini, concède le Dr Couturier. Je propose cette option chirurgicale à une minorité des patients que je vois en consultation. Ceux qui présentent une arthrose à un stade évolué, douloureuse et handicapante, après qu’ils ont essayé plusieurs autres traitements. »
« Je propose cette opération à une minorité des patients. Ceux qui présentent une arthrose douloureuse et handicapante. » Dr Couturier
Parmi ceux-ci, plusieurs sont validés, mais pas toujours suffisants : les attelles de repos, la kinésithérapie, l’ostéopathie, les médicaments antidouleur et antiinflammatoires, les infiltrations, les injections d’acide hyaluronique dans le pouce, l’entretien physique. La méthode Pilates – un système d’activité physique – et le yoga ne sont pas validés, mais les patients rapportent que « ça peut faire du bien ». « Je connais bien la mise en place d’une prothèse dans la rhizarthrose, ce n’est pas commun mais je la prescris à 2, 3 patients par an. Avant, ce n’était pas au point. Ils ont fait de gros progrès biomécaniques, témoigne le Dr Jacques Fechtenbaum, rhumatologue à Pantin. Les résultats sur les douleurs sont bons, pas parfaits sur la fonction. » « Cette arthrose de la base du pouce est extrêmement fréquente, seule une minorité doit être envoyée au chirurgien, confirme le Pr Yves Maugars, chef du service de rhumatologie au CHU de Nantes. La prothèse trapézo-métacarpienne calme les douleurs, c’est ce que les gens demandent. La force du pouce est diminuée. Les autres interventions pour rhizarthrose entraînent toutes une perte plus ou moins importante de la fonction. »
Expérimentales. Au niveau des doigts, les indications chirurgicales sont vraiment exceptionnelles, car les prothèses donnent des résultats très divergents. Certes, les arthrodèses rendent aux doigts leur aspect rectiligne et esthétique au lieu d’être crochus, font taire les douleurs, mais elles leur font perdre toute mobilité. « Les prothèses de poignet sont très expérimentales », prévient le Pr Maugars.
Les risques de cette chirurgie sont globalement limités : l’infection nosocomiale est rare au niveau de la main ; léser un vaisseau ou un nerf relève de la maladresse. Garder des douleurs est finalement le principal échec. « C’est une chirurgie qui ne souffre pas l’imperfection. Il faut la faire bien et souvent, c’est alors assez simple et assez facile », assure Christian Couturier
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