L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
Le président turc s’en va-t-en-guerre contre la France avec l’hystérie ubuesque du despote à la ramasse qui a perdu la main sur le plan intérieur – économique, en particulier. Hélas, il a déjà marqué quelques points.
Voyez comme Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, semble sortir d’un remake du prophétique Soumission de Michel Houellebecq. En soutenant l’idée d’une « neutralité » de la France dans le conflit qui oppose la Turquie et sa coalition djihadoazérie à la petite Arménie chrétienne, il mériterait le grand prix international de la Lâcheté, honte à lui.
Descendons le niveau de plusieurs crans. Après la décapitation de Samuel Paty, Cyril Hanouna, ce vertigineux penseur national que le monde entier nous envie, n’a pas hésité à dénoncer « une chasse aux sorcières contre les musulmans », alors que notre pays dans son ensemble avait réagi à l’horreur islamiste avec un impressionnant sang-froid.
En débitant la rhétorique erdoganienne, Hanouna confond, comme tous les extrémistes de droite ou de gauche, islam et islamisme, pour le malheur des musulmans d’ici qui n’en peuvent mais et auxquels il rend un bien mauvais service. Il a même déclaré, dans la foulée, que la France faisait peur. Le jobard ! Erdogan, Plenel, sortez de ce corps !
Quant à Emmanuel Macron, qui ne fait toujours que parler sur ces questions mais au moins en parle bien et même très bien, il ne cesse d’essuyer les insultes d’Erdogan, qui s’inquiète de sa « santé mentale ». Maniant le terrorisme intellectuel aussi bien que les djihadistes de l’ex-« État islamique », son ancien allié, le président turc fait peur. Son homologue français est en train d’apprendre, malgré le soutien de Merkel, cette solitude dont le général de Gaulle aimait dire qu’elle était son « amie ».
Qui peut encore prétendre que la France n’est pas une terre de conquête pour l’islamo-fascisme après les appels lancés par Erdogan et plusieurs pays musulmans à boycotter les produits français ? Le moindre de nos contempteurs n’est pas le Qatar, cet ennemi de l’intérieur qui a acheté, outre certains de nos politiciens en vue, une partie importante du capital d’entreprises françaises comme Accor ou Lagardère. Sans parler du PSG.
De la Turquie à l’Iran, il est reproché à M. Macron d’avoir promis, après la tragédie de Conflans-Sainte-Honorine, de « ne pas renoncer à la publication des caricatures de Mahomet », interdites en terre d’islam. Ses accusateurs savent qu’ils peuvent compter sur la cinquième colonne des islamo-gauchistes et de leurs avatars « bien-pensants ». Fascinés par l’islamo-fascisme, comme leurs ancêtres l’étaient par le national-socialisme, ces idiots utiles sont pressés de se vendre ou même de se « donner », à l’instar du maréchal Pétain en 1940, afin d’oeuvrer pour l’islamisation du pays.
L’Histoire nous apprend que toutes les civilisations sont mortelles, même si leur agonie peut être longue : ainsi, la puissante Grande Arménie du début de notre ère est devenue un ersatz d’État de 3 millions d’habitants qu’Erdogan, frappé du syndrome hitlérien – que Hanouna me pardonne –, rêve d’effacer de la carte pour finir ce que, en 1915, le génocide turc contre les Arméniens (1,5 million de morts) n’avait pas tout à fait achevé.
Partout, dans les écoles, les piscines, les territoires perdus, notre modèle républicain est attaqué. Gérald Darmanin n’a certes pas été bien inspiré de dénoncer les rayons de « cuisine communautaire » dans les enseignes de la grande distribution : « C’est comme ça que commence le communautarisme. » À l’heure où triomphe Yotam Ottolenghi, le chef anglo-israélien, l’un des plus audacieux de la planète, auteur de superbes livres où il réinvente les recettes orientales, la cuisine devient de plus en plus cosmopolite et c’est tant mieux.
S’il y a un problème en France, en revanche, et Darmanin a eu raison de le soulever, n’en déplaise aux ignorants et aux incultes, c’est bien le halal (traduction de « licite » en arabe). Une fausse tradition inventée vers 1970 par les islamistes, mollahs et Frères musulmans pour retrancher les musulmans d’Occident de leur communauté nationale. Comme l’a montré avec éclat l’universitaire Florence Bergeaud-Blackler dans un livre passionnant que tous nos dirigeants devraient avoir lu (1), cette fiction a pris et, aujourd’hui, tout s’halalise : après la viande, les pizzas, les vaccins, les lignes de vêtements, etc.
Surtout, l’abattage rituel sans étourdissement est en train de devenir la norme dans nos abattoirs, au mépris de la loi, qui en fait une pratique dérogatoire. Nous mangeons ainsi de plus en plus halal sans le savoir, au grand dépit des bouchers, qui voudraient informer les consommateurs sur les conditions de mise à mort des animaux. Dans ce domaine, l’halalisation de la société française n’a-t-elle pas déjà commencé ?
■ 1. Le Marché halal ou l’invention d’une tradition (Seuil).