Pourquoi la dette est hautement toxique…
L’endettement de la France est une drogue dure qui soulage un temps, puis consume. Il contribue aussi à déresponsabiliser nos concitoyens.
Comme lors du premier confinement, où l’organisation des vacances d’été avait constitué une préoccupation majeure, les Français semblent aujourd’hui avant tout soucieux de la bonne tenue des fêtes de fin d’année. Ce qui révèle peut-être le haut degré de résilience du pays face à la pandémie, certainement aussi sa culture très développée du loisir, mais surtout un déni de la réalité économique, celle d’une récession sans précédent que le reconfinement va encore aggraver.
Le soutien financier massif de l’État pour limiter la baisse des revenus explique le faible ressenti de la crise par les Français : selon l’Insee, les deux tiers des ménages estiment que, malgré le plongeon du PIB, leur situation financière est restée stable cette année. Le recours à l’endettement public, indolore à court terme, contribue aussi à ce qu’ils sous-estiment la gravité de la récession. Il est d’ailleurs probable que s’ils avaient été directement «touchés au portefeuille», via par exemple l’instauration d’une super-taxe Covid, ils auraient davantage redouté la seconde vague et évité cet été les embrassades lors des apéros avec les copains. La peur de l’impôt aurait constitué une incitation forte au respect des gestes barrières.
À propos d’impôts, le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), relève qu’ils vont représenter cette année, c’est inédit, une source de financement pour l’État moins importante que l’emprunt. L’État émettra 260 milliards d’euros d’obligations assimilables du Trésor quand il ne percevra que 250 milliards de recettes fiscales.
Une situation qu’il est difficile de ne pas juger préoccupante, comme il est difficile d’être rassuré par le discours des nombreux économistes pour qui, avec des taux d’intérêt aussi bas, le surendettement public ne pose aucun problème. Comme il est difficile enfin de ne pas trouver un peu trop merveilleux ce nouveau monde monétaire post-Covid promis dans lequel les pays pourront s’endetter à l’infini, et dans lequel il ne sera plus la peine de travailler puisque les banques centrales pourront subvenir généreusement aux besoins financiers de tous en créant de la monnaie en quantité illimitée. Paradoxalement, on ne peut s’empêcher de redouter économiquement le moment où la pandémie va prendre fin en France. Il ne tardera pas se rétablir une hiérarchie des taux d’intérêt entre les pays de l’UE en fonction de la situation de leurs finances publiques mais aussi de la façon dont ils ont géré la crise sanitaire. La comparaison avec l’Allemagne risque fort de ne pas être à notre avantage.
Dans son livre Toxique, Françoise Sagan avait raconté comment, après son accident à 21 ans au volant d’une Aston Martin, les médecins lui avaient administré pendant trois mois, pour soulager la douleur causée par ses multiples fractures, du Palfium 875, un dérivé de la morphine. Ce qui l’avait contrainte à suivre une cure de désintoxication, mais sans parvenir à se libérer de la dépendance à la drogue qui allait l’accompagner toute sa vie. Il est à craindre que l’injection à haute dose d’argent public pendant la pandémie ait rendu notre pays accro à une dette d’État qui permet d’offrir une illusion de richesse collective intacte. Sur le plan politique, cette addiction à la drogue de la dette réjouira Jean-Luc Mélenchon, favorable à sa légalisation, mais risque de compliquer un peu plus encore la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron en renforçant la pression des syndicats pour qu’il abandonne définitivement les réformes visant à rééquilibrer les comptes, comme celle du régime des retraites et, surtout, en faisant naître de tous côtés des demandes d’aide financière de l’État et des revendications salariales
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Indolore à court terme, l’endettement fait sous-estimer la gravité de la récession.