Actions : le marché s’emballe
Lundi 9 novembre, l’annonce par le laboratoire américain Pfizer d’un vaccin imminent aux résultats très positifs (lire p. 32) a provoqué une envolée des Bourses. Le S&P 500 a battu son record historique tandis que le Dow Jones refrôle les 30 000 points, enregistrant une hausse de 15 % par rapport au creux de fin octobre. Même chose en Europe : le CAC 40 a bondi au-dessus des 5 400 points (+ 12,5 % depuis la chute à 4 800 points qui avait suivi l’annonce du reconfinement). Le DAX allemand, qui avait moins baissé, s’est, lui, apprécié de 5 %, annulant quasiment la perte constatée depuis le 1er janvier.
Résultat, les valeurs technologiques (les Gafam, notamment), qui avaient été sous pression les dix jours précédant le 3 novembre, date de l’élection présidentielle américaine, ont pratiquement effacé les baisses. Le Nasdaq s’est redressé de 7,2 % en deux jours.
Le résultat de l’élection présidentielle américaine a servi de détonateur. Le marché craignait une «vague bleue» qui aurait été dommageable pour la tech et les valeurs de la santé, notamment. De façon plus générale, note Alexandre Hezez, du groupe Richelieu, « les élections ont pour habitude de favoriser les valeurs “value” » pour les six mois suivants. La raison n’est en réalité pas politique puisque cette observation s’est confirmée quel que soit le parti vainqueur aux élections présidentielles. Cela s’explique par l’élan législatif des nouvelles administrations, qui adoptent de nombreux projets de lois de dépenses pour relancer l’économie. Cette croissance économique a aussi pour effet de produire de l’inflation. Un cocktail de choix pour les valeurs dites “value” ».
Répercussions. L’annonce d’un prochain vaccin contre le Covid-19 a amplifié les jours suivants le rebond. « Le résultat de l’élection américaine a été retentissant pour le monde, pour l’économie et pour les marchés. Mais, en tant qu’investisseur, j’ai toujours considéré que la pandémie avait des répercussions plus importantes, estime Johanna Kyrklund, directrice des investissements de Schroders. L’annonce de Pfizer, combinée aux avancées médicales qui améliorent le traitement du virus, réduit sensiblement la probabilité d’une reprise en forme de L. Elle réduit aussi les risques associés aux hommes politiques et au succès qu’ils peuvent rencontrer concernant leur soutien à leurs économies respectives ou le contrôle du virus. À l’horizon des six à douze prochains mois, l’annonce diminue la nécessité d’un plan de relance budgétaire pour combler l’écart entre l’offre et la demande dû aux mesures de confinement potentielles. » Le rebond a profité en priorité aux entreprises les plus massacrées depuis mars – compagnies aériennes, loisirs, hôtellerie, banques…
Est-ce durable? «La découverte du vaccin devrait accélérer la reprise», estime Jean-Marie Mercadal. Le directeur délégué chez Ofi Asset Management table en 2021 sur un taux de croissance de l’ordre de 4 à 5 % aux États-Unis, de 6 % en zone euro et de 8% en Chine. « La tendance à long terme nous semble en faveur des valeurs de croissance. Mais, à court terme, les investisseurs vont se repositionner sur les valeurs cycliques. » Et ce dernier d’anticiper un S&P 500 à près de 6 000 points et un Euro Stoxx à 700 d’ici à sept ans.
Une rotation sectorielle que d’autres gérants voient plus complexe : « La crise sanitaire ne constitue pas un événement ponctuel qui entraîne simplement un report de consommation et d’investissement. Malheureusement, la croissance perdue ne pourra pas être totalement rattrapée, et la transition vers les nouveaux métiers disponibles ne peut se faire instantanément. Par ailleurs, de nombreux projets d’investissement ne verront jamais le jour, faute de financement. La dette contractée durant la crise risque aussi de peser sur la croissance potentielle, car elle a fragilisé les bilans des entreprises », commente Benoit Peloille chez Vega Investment Managers. Et ce dernier de considérer que la surperformance des valeurs de croissance et en particulier technologiques, reste justifiée
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