Un long tunnel avant la lumière…
«On n’arrivera pas à tenir les gens à Noël et au Nouvel An, il faut donc s’attendre à un nouveau pic en mars… » Lâchée par un membre du gouvernement devant un petit groupe de députés, la semaine dernière, la phrase en a saisi plus d’un. « Mes collègues sont obsédés par le risque de fronde sociale et la réouverture des petits commerces, confie une élue de la majorité. Beaucoup n’ont pas encore compris ce que nous allons traverser… » En l’occurrence, un long tunnel de restrictions pour contenir la circulation du virus avant d’atteindre enfin la lumière d’un vaccin, qui ne sera pas accessible pour le grand public avant de nombreux mois. En petit comité, Jean Castex s’en inquiète : le déconfinement sera long et se prolongera probablement au-delà des fêtes de Noël. À quoi ressemblera-t-il ? « On travaille plusieurs options, mais la stratégie n’est pas prête », confie une source à la Santé. Dans l’immédiat, chaque ministère travaille à pouvoir, au plus vite, desserrer l’étau sur les petits commerces. « L’Allemagne a fixé une jauge d’une personne pour 10 m2 alors que la nôtre est à 4 m2, cela pourrait évoluer », avance l’entourage de Bercy. Le couvre-feu, lui, pourrait être prolongé jusqu’à la fin décembre. Mais après ? « Il est impensable d’imaginer ne pas rouvrir les restaurants jusqu’au printemps prochain », s’alarme un confident de l’Élysée… Pour l’instant, la stratégie envisagée repose sur trois éléments. D’abord le déploiement de tests antigéniques : en réduisant le diagnostic à quinze minutes au lieu de deux jours, ces tests rapides devraient permettre une amélioration du dépistage. Mais quand seront-ils disponibles ? Le ministère de la Santé, qui en a commandé récemment 20 millions, n’a pas pu nous répondre. Ensuite, l’utilisation de l’application TousAntiCovid par un plus grand nombre de Français (plus de 8 millions l’ont déjà téléchargée.) Enfin, l’amélioration de l’isolement, mal respecté par la population et point noir de la politique de lutte contre le Covid-19 : personne, aujourd’hui, ne s’assure que les malades et leurs cas contacts restent effectivement confinés. « La stratégie d’isolement n’a bénéficié ni d’un cahier des charges précis, ni de budgets dédiés à l’échelle nationale », regrettait, le 3 septembre, le Conseil scientifique, qui s’apprête à transmettre au gouvernement un nouvel avis plus musclé.
« Avec les vacances de fin d’année, nous allons avoir un moment plus serein : les enfants seront en vacances, les gens n’iront pas au travail… C’est ensuite qu’il faudra maintenir la pression et s’assurer, enfin, d’un isolement efficace si l’on veut éviter une troisième vague », confie l’un de ses membres. « Nous restons dans une stratégie passive », regrette un autre, plaidant, au contraire, pour une démarche proactive. « Il faut aller vers les gens : organiser des campagnes de dépistage dans les entreprises, les écoles, se déplacer pour tester les cas contacts, leur apporter aide et soutien pour qu’ils puissent s’isoler. Et, s’il le faut, en passer par la coercition… » En mai, le Conseil constitutionnel a rejeté toute idée de contraindre à l’isolement (en infligeant une amende, par exemple) les personnes infectées, assimilant l’obligation de « demeurer à son domicile pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour » à de la détention. Le gouvernement, échaudé, envisage une campagne de communication pour inciter les gens au « civisme » mais n’entend pas rouvrir ce débat… À moins que le Parlement ne l’y pousse ■