Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

«Emmanuel Macron sera réélu à la présidence parce qu’il n’y a personne en face. » Alors qu’il peut se targuer de bons sondages, c’est une phrase que l’on entend de plus en plus et dont l’ineptie ne fait aucun doute quand on prend la peine de regarder l’histoire récente.

Souvenez-vous : il y a quatre ans, avant la dernière présidenti­elle, c’était le candidat de la droite qui devait l’emporter. Aux États-Unis, à la même époque, tous les augures se retrouvaie­nt Grosjean comme devant après avoir prédit la victoire de Hillary Clinton contre un candidat loufoque, Donald Trump.

Notre prochaine présidenti­elle se déroulera dans peu de temps, un an et demi, mais c’est un siècle si l’on songe que la France est aujourd’hui confrontée à trois crises systémique­s. Comment imaginer qu’elle restera paisible dans les prochains mois alors qu’il lui faudra les affronter de concert ?

1. La crise sanitaire, qui n’est pas terminée et aura révélé la déplorable gestion de notre système de santé, sa suradminis­tration et les délires de notre bureaucrat­ie. 2. La crise économique, dont les dégâts frapperont toutes les catégories sociales du secteur privé, malgré les amortisseu­rs mis en place par le gouverneme­nt. 3. La crise sécuritair­e et même identitair­e que provoque un islamisme de plus en plus conquérant, frénétique. Elle ne fait que commencer quand un Erdogan entend continuer à avancer ses pions en Europe. Ça promet…

Sans jouer les prophètes de malheur, autant dire que tout sera possible, dans ce climat, à commencer par l’élection de Marine Le Pen, la candidate qu’Emmanuel Macron espère tant affronter au deuxième tour parce qu’il croit qu’il la battra à tous les coups. Comme en biochimie, un précipité peut se former à tout moment. On n’est sans doute pas au bout de nos surprises, mais impression­nant aura déjà été le rebondisse­ment qui remet Nicolas Sarkozy en selle après le dernier épisode de l’incroyable affaire libyenne qui, à en croire ses promoteurs, devait l’abattre à jamais.

C’est une galéjade, indigne d’une démocratie comme la nôtre, après que des Pieds nickelés de Mediapart se sont acoquinés avec des magistrats pour nous servir une histoire à dormir debout : pour sa campagne présidenti­elle de 2007, Nicolas Sarkozy aurait reçu 50 millions dans une première version, puis 5 (bientôt 50 euros ?) du colonel Kadhafi, le dictateur libyen contre lequel il allait faire la guerre que l’on sait, sans que celui-ci ait alors pris la peine de le dénoncer, ce qu’il n’aurait pas manqué de le faire si cela avait été le cas. Pour charger la barque, on a même trouvé un vrai-faux virement à un ancien proche, comme si ce mode de transactio­n était utilisé pour les financemen­ts occultes ! Fariboles !

Un peu de jugeote suffit à vous convaincre que ce synopsis à la OSS 117 façon Dujardin ne tient pas la route. Aveuglée par la haine, la meute médiatico-judiciaire a pourtant gobé les calembreda­ines de Ziad Takieddine qui disait avoir convoyé trois valises de billets entre 2006 et 2007, avant de se rétracter totalement dans les colonnes de Paris Match, la semaine dernière. Il aurait accusé Sarkozy, dit-il, pour faire plaisir aux juges qui voulaient « détruire » l’ancien président.

Au lieu de s’interroger sur elle-même, la meute mediaparti­ste a aussitôt disqualifi­é le témoin, un « intermédia­ire » profession­nel, alors qu’auparavant elle prenait ses propos pour argent comptant. N’ayant jamais ménagé l’ancien chef de l’État, l’auteur de ces lignes ne peut être suspecté de sarkozysme. Il n’en est que plus à l’aise pour dénoncer l’abjection de cette opération de basse politique qui a déjà valu à l’ancien président – alors qu’après sept ans d’enquête les preuves se font toujours attendre – quarante-quatre heures d’interrogat­oire et une mise en examen pour « corruption » et «associatio­n de malfaiteur­s ». Sans compter tous les moyens déployés.

Ô juges, qu’avez-vous fait de la justice? Faut-il souhaiter qu’elle passe, selon la formule consacrée, quand elle est à ce point politisée ? Elle ressemble de plus en plus à celle des procès de Moscou : c’est à l’accusé d’apporter les preuves de son innocence. Pour faire taire l’ancien président, elle sera sans doute tentée de lui infliger une peine d’inéligibil­ité, mais il n’est pas douteux qu’avec son acharnemen­t elle a réveillé la bête politique : si Macron flanche, Nicolas Sarkozy, qui n’a rien perdu de son charisme, pourrait bien se présenter en 2022. Il en a envie, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, en dépit de toutes ses dénégation­s.

Nicolas Sarkozy n’est pas le seul à pouvoir déjouer le pari quasi consensuel sur la réélection « pliée » d’Emmanuel Macron. La France penchant à droite, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont tous deux des chances, même si, en profitant des divisions de l’autre camp, Anne Hidalgo et François Hollande pourraient aussi déjouer les pronostics. En attendant, comme l’a dit un philosophe du XXe siècle, ce qui s’applique au pays comme à nous tous, nous avons « l’avenir devant nous » et nous l’aurons « dans le dos » chaque fois que nous ferons « demi-tour » (Pierre Dac) ■

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