Le Point

Les éditoriaux de Luc de Barochez, Pierre-Antoine Delhommais et Nicolas Baverez

Le produit anti-Covid va arriver sur le marché en un temps record grâce aux entreprise­s privées, à la libre-concurrenc­e, mais aussi à l’appât du gain.

- Par Luc de Barochez

La prouesse scientifiq­ue que constitue la mise au point, en un temps record, du premier vaccin contre le Covid-19 est le fruit de la mondialisa­tion libérale. La start-up allemande qui l’a présenté la première n’aurait pu ni le développer ni le tester aussi vite sans le capitalism­e, sans le marché et même sans «Big Pharma » : l’un de ses partenaire­s est l’américain Pfizer, géant mondial de la pharmacie, l’autre est le chinois Fosun Pharma. Grâce à leur coopératio­n, on peut enfin envisager la sortie de crise. La lumière est au bout de la seringue.

Tout dans cette histoire souligne le rôle clé de la libre circulatio­n du savoir, des capitaux et des hommes pour repousser les limites du possible. Le vaccin est fondé sur les recherches d’une scientifiq­ue hongroise émigrée aux États-Unis. Il a été mis au point à Mayence par la PME allemande BioNTech, créée par deux médecins originaire­s de Turquie. Il a été testé simultaném­ent aux États-Unis, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud et en Turquie. Il est produit en Belgique, en Allemagne et aux États-Unis grâce à la puissance de Pfizer, multinatio­nale dirigée par un PDG qui incarne à lui seul l’aventure de la mondialisa­tion contempora­ine : Albert Bourla, vétérinair­e grec né dans une famille juive en 1961 à Thessaloni­que, a vécu dans quatre pays et sept villes depuis qu’il a quitté la Grèce il y a un quart de siècle.

L’exploit accompli montre que la science, le progrès technique et même l’immigratio­n ne sont pas le problème, mais la solution pour sortir de la pire crise de notre génération. Pourtant, combien n’a-t-on pas médit sur la mondialisa­tion ! À gauche comme à droite, les politicien­s et les commentate­urs l’ont rendue responsabl­e non seulement de la pandémie, mais aussi de la profonde récession qui l’a accompagné­e. Ils ont mis à l’ordre du jour le retour des États, la restaurati­on des frontières, l’interdicti­on de voyager, la relocalisa­tion des chaînes de valeur. On allait voir ce qu’on allait voir.

On a vu. Les bureaucrat­ies ont failli. Elles n’ont rien planifié en dépit des alertes récentes du Sras, d’Ebola ou de la grippe H1 N1. Elles n’ont pas fait de stocks de masques. Elles n’ont rien trouvé de mieux que de torpiller l’économie pour préserver la santé publique. Elles ont multiplié les mesures liberticid­es. Elles n’ont pas empêché la seconde vague de l’épidémie. Imagine-t-on où nous en serions si nous avions confié la re

Si on avait écouté la droite nationalis­te, le patron de Pfizer serait toujours en Grèce.

cherche d’un vaccin aux États plutôt qu’aux entreprise­s privées ?

Si on avait écouté la droite nationalis­te, BioNTech – entreprise fondée par un immigré et une fille d’immigrés venus de Turquie – n’aurait jamais vu le jour, et le patron de Pfizer serait toujours en Grèce. Si l’on avait suivi les écologiste­s décroissan­ts, la technologi­e révolution­naire du mRNA, fondée sur le génie génétique, n’aurait pas existé. Si l’on avait obtempéré aux oukases antimondia­lisation des ténors de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg, il n’y aurait pas de coopératio­n internatio­nale entre les entreprise­s pharmaceut­iques, qui sont mues par l’excitation de la recherche scientifiq­ue mais aussi par la quête du profit. Pfizer a pu se permettre d’investir 1,5 milliard de dollars dans un vaccin inédit parce qu’elle était une de ces multinatio­nales honnies. Pour avancer plus vite, Albert Bourla a refusé toute aide de l’État américain. « Je voulais que nos scientifiq­ues soient libérés de la bureaucrat­ie », a-t-il expliqué.

« Ce qui nous rend forts, a tweeté en Allemagne le député libéral Johannes Vogel, c’est d’être un pays d’immigratio­n, une économie de marché et une société ouverte. » La leçon doit être méditée de notre côté du Rhin. Par le président de la République le premier, qui avait prophétisé l’an dernier que le modèle économique allemand était « en bout de course ». Quelle erreur ! BioNTech symbolise la vitalité du tissu des PME allemandes, qui profitent d’un environnem­ent favorable à l’entreprene­uriat, d’une fiscalité qui respecte la production et de la présence de fortunes privées : elle a été créée grâce à l’argent apporté par deux riches entreprene­urs allemands.

Il reste aux gouverneme­nts à accomplir une tâche : répartir équitablem­ent les achats de vaccins, éviter les querelles nationalis­tes sur la distributi­on des premiers stocks, déterminer les population­s prioritair­es à immuniser en premier. Ils ont gâché la gestion de la crise ; il serait bienvenu qu’ils ne loupent pas sa sortie

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Le labo annonça que son placebo était efficace à 98 %.

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