Jean Le Cam et Spencer Stone n’avaient pas d’attestation !
Jean Le Cam ne portait pas de masque et n’avait pas rempli d’attestation de déplacement lorsqu’il a sauvé Kevin Escoffier, la dernière nuit de novembre 2020. Atlantique Sud déchaîné. Vents de 30-32 noeuds. Le « Roi Jean », senior à risque, a dévié sa route pour porter secours à son cadet. Adieu le classement général du Vendée Globe. Si cette course à la voile est surnommée l’Everest des mers, ce sauvetage demeurera comme un geste homérique. Cela nous laisse bouche bée, nous les confinés de 2020. Notre héroïsme aura consisté à rester chez nous. Il n’y a rien au-dessus de la vie, a dit en substance Emmanuel Macron aux Français. Préserver sa santé et celle des autres, voilà l’horizon indépassable proposé par la « médicocratie » à nous, pauvres terriens. Les marins, eux, échappent encore à la dictature de la trouille. Cela s’appelle la liberté des mers. Bravant le danger, Le Cam a lancé une bouée à un homme à la mer. On nomme cela la solidarité. Nous l’avions un peu oublié, à force de nous entendre répéter qu’être solidaire signifiait rester sur un canapé. Si Le Cam avait obéi aux injonctions politico-sanitaires, il n’aurait pas tenté cette manoeuvre périlleuse. De même que Spencer Stone aurait fait semblant de poursuivre sa sieste, le 21 août 2015, à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris. Il ne se serait pas rué sur le terroriste islamiste, qui, armé d’une kalachnikov, d’un Luger et d’un cutter, s’apprêtait à commettre un carnage. Quelles sont les préconisations gouvernementales en cas d’attentat ?
« S’échapper. » Si c’est impossible, « se cacher ». Au procès du terroriste, l’ex-soldat américain a raconté sa bataille – elle aussi une mythologie. Stone n’a pas fui : il a fait face. Il faut lire dans Le Monde la chronique de Soren Seelow : le témoignage de Spencer Stone s’est déroulé dans des conditions rocambolesques pour ne pas dire indignes. L’interprète judiciaire ne maîtrisait pas assez la langue. Elle a coupé à plusieurs reprises le héros du Thalys : « Say it again. » Misère de la justice française. De cette année 2020, nous retiendrons l’attitude chevaleresque de Jean Le Cam et de Spencer Stone. Elle n’est pas à la portée de tous mais a valeur d’exemple. Ces hommes nous rappellent notre inégalité face au danger. Nous qui vivons sous le règne de l’égalitarisme sanitaire et du principe de précaution sécuritaire. Il existe aussi une noble fraternité des gens de mer et de terre
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