Il a dessiné la France
Zigzags. On doit à Cassini la première cartographie du pays. Son élaboration nécessita un demi-siècle de parcours et de relevés.
Territoires. La carte de France de Cassini se compose de 181 feuilles. Ci-dessous, sur la n° 123, datée de 1784, on distingue Les Baux-de-Provence, l’étang de Berre et le delta du Rhône. En haut, la feuille n° 169 cartographie le golfe de Fréjus, l’Estérel, la rade de Cannes, les îles de Lérins et le cap d’Antibes (1793).
Ils ont littéralement « fait » la France, puisqu’ils l’ont tracée et dessinée. Pour cela, ils ont sillonné le territoire durant ce qu’on appela des « campagnes » : des expéditions qui duraient près de six mois. Ils, ce sont les ingénieurs-géographes, ancêtres des élèves de l’École des ponts et chaussées. Comme l’explique Catherine Hoffmann, qui dirige le département des cartes de la BNF, l’entreprise débuta à la fin du XVIIe siècle, dans la foulée de la fondation de l’Académie des sciences. À partir de 1683, sous la férule de l’abbé Picard, des arpenteurs-géomètres déterminent, selon le principe de la triangulation, 800 points du royaume, pour la plupart situés sur la méridienne Nord-Sud et la perpendiculaire qui se croisent à Paris.
Une dynastie va, au XVIIIe siècle, prolonger ce travail de fourmi : les Cassini. En 1747, César, petit-fils de Giovanni Cassini, astronome du souverain, profite de ses liens avec Louis XV pour le convaincre, lors de la guerre, en Flandre, de l’utilité militaire d’une carte précise; il en dispose déjà pour cette région. Commande lui est passée d’une centaine de feuilles – il y en aura 181 – qui couvriront toute la France.
Le chantier démarre en 1750, d’abord financé par le roi, puis par des savants, des ministres, la marquise de Pompadour,certainspayscommelaBourgogne ou la Bretagne mettant aussi la main à la poche. En 1756, Cassini rédige un Avertissement ou introduction à la carte générale et particulière de la France, qui délivre des instructions aux ingénieurs. À partir de points principaux, les méthodes de la triangulation permettent, grâce à la mesure d’une base de départ sur le terrain et à la détermination, par visées successives, des angles d’un enchaînement de triangles, de calculer la longueur des côtés des triangles et donc les positions relatives en plusieurs points. « C’est une carte de points plus que de lignes, plus géométrique que topographique », note Catherine Hoffmann. Elle devait aussi aider à tracer des axes de communication et à développer les échanges économiques, nouvelle préoccupation de l’époque. L’ingénieur – ils sont répartis tous les 20 kilomètres sur la méridienne et la perpendiculaire – grimpe au sommet d’un clocher, accompagné par un habitant des lieux (curé, paroissien, etc.) capable de lui nommer les sites qui s’offrent à sa vue. Il mesure la distance angulaire des principaux points. Une fois redescendu, il dessine les hauteurs, les vallons, reporte les châteaux, chapelles, abbayes,hameaux,écluses,lescontours des bois, la direction des chemins et le cours des rivières à partir de ce qu’il a observé. Onéreuse, cette carte servira toutefois de base aux cartes topographiques. Au XIXe siècle, une autre campagne déterminera les altitudes à partir de nouvelles méthodes de nivellement, tandis que le gouvernement, dès 1842, lance à l’initiative de Violletle-Duc une campagne de photographie des monuments historiques
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Petit-fils de l’astronome de Louis XV, lui-même astronome, il persuade le roi de France, en 1747, de l’utilité, notamment militaire, des cartes détaillées. Perché au sommet d’un clocher, l’ingénieur est accompagné par un habitant des lieux capable de lui nommer les sites qui s’offrent à sa vue.