Les transports de Stendhal
Stendhal n’a pas de motif défini au départ, sinon le désir de « voir de grandes choses ». À 17 ans, il franchit les Alpes comme commis du ministère de la Guerre, afin de rejoindre la Grande Armée, même s’il n’est jamais monté à cheval (il manque de chuter dans un lac). Un opéra de Cimarosa produit le déclic : de ce moment, « vivre en Italie et entendre de cette musique devint la base de tous mes raisonnements». En Lombardie, il découvre « la conversation la plus spirituelle » et les transports de l’amour. En Toscane, c’est la beauté plastique qui l’enivrejusqu’àlasyncope:«J’étaisarrivéàcepointd’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de coeur, ce qu’on appelle les nerfs à Berlin; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber…» Vertige, hallucinations, étouffementsprovoquésparunesurconsommationdechefssyndrome d’oeuvre, c’est ce qu’on qualifie de « de Stendhal ». Là-bas, explique-t-il, « on vit des passions, et non pas l’habitude de la galanterie. Voilà la grande différence entre l’Italie et la France, voilà pourquoil’ItalieavunaîtrelesRaphaël,lesGiorgione, les Titien ». Sur sa tombe, au cimetière Montmartre, il demanda que son épitaphe fût gravée en italien: « Arrigo Beyle. Milanese. Scrisse, amò, visse. » (Henri Beyle. Milanais. Il écrivit, il aima, il vécut.)
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