Bienvenue dans la clinique du Dr Macron ! par Sébastien Le Fol
Si la vie politique française de 2020 évoquait une série, ce ne serait ni « House of Cards » ni « Le Bureau des légendes », mais « Urgences ». Bienvenue dans le service du Dr Macron. Depuis neuf mois, le président aura consacré une très large part de sa présence dans les médias à la maladie. Sa parole s’est presque totalement médicalisée. Il n’est plus seulement apparu comme le chef des armées, mais aussi comme celui de la guerre virologique. Jamais ses allocutions n’avaient réuni autant de téléspectateurs. La crise a installé Macron dans un nouveau rôle : garde-malade. Lui à qui on reprochait son « arrogance », ses réflexions « stratosphériques » s’est adressé à nous avec des mots doux, attentionnés. N’oubliez pas d’ouvrir vos fenêtres plusieurs fois par jour, nous a-t-il répété, tel un lointain avatar version distancielle des rois thaumaturges.
Le président qui prend soin de son peuple : la tentation sera grande de conserver ce rôle. Chef des urgences, c’est plus rassurant que réformateur. Mieux vaut être au chevet des Français que manier le fouet. Quand la pandémie sera maîtrisée et les vaccins actifs, il lui faudra bien pourtant retirer sa blouse blanche. Et retrouver les mots pour nommer les autres maux, non médicaux, qui gangrènent notre pays.
Il va lui falloir relancer la machine. Renouer avec une de ses promesses : faire repartir l’ascenseur social. Celui-ci est à l’arrêt, comme l’indique le dernier rapport en date de l’OCDE sur le sujet. Dans un pays comme le nôtre, où le niveau d’études et le revenu des parents restent déterminants pour l’avenir des enfants, les perspectives de mobilité sociale sont vues d’un oeil plus pessimiste qu’ailleurs. En dépit des efforts consentis par nombre d’instituteurs, le premier confinement a privé les enfants de milieux défavorisés d’un temps d’instruction précieux. Et le casse-tête pour trouver des stages cette année aura des conséquences pour notre jeunesse.
« Aujourd’hui, la mobilité sociale est en panne : les groupes dominants, par l’argent ou le savoir, transmettent leurs privilèges de génération en génération », pouvait-on lire dans le rapport de la commission Attali pour la libération de la croissance française (2008). Le rapporteur en était un certain… Emmanuel Macron.
Le gouvernement sanitaire mène une société de contrôle. Le mot d’ordre du confinement – « Restez chez vous ! » – ne doit pas devenir la règle d’or de la politique française : n’assignons pas les Français à résidence. Tel est notre voeu pour 2021, en espérant le point du jour après cette année crépusculaire
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