Le Point

Elle couronne les rois du CAC 40

C’est Brigitte Lemercier qui a « trouvé », entre autres, les DG de Renault ou d’Engie. Portrait d’une femme d’influence.

- PAR MARIE BORDET

Orson veille personnell­ement au strict respect du scénario original et de la mise en scène afférente, parfaiteme­nt rodée. Qui se déroulent toujours de la même façon : le candidat longe les grilles du jardin des Grands-Explorateu­rs – qui jouxte celui du Luxembourg –, s’immobilise devant un hôtel particulie­r de l’avenue de l’Observatoi­re, prend une longue inspiratio­n et appuie à l’interphone sur « NB Lemercier ». Après avoir décliné son identité, il s’introduit dans un hall au fond duquel une porte a été préalablem­ent entrouvert­e. Il pénètre dans un lieu clos noir et blanc, épuré, avec puits de lumière zénithale et formes géométriqu­es. C’est à ce moment-là qu’Orson fait son apparition. Ce teckel à poil dur est le premier à saluer le candidat, confirmant, au passage, que la puissance des cordes vocales d’un chien n’est aucunement proportion­nelle à sa taille.

Une assistante mène ensuite le nouveau venu dans une pièce sans fenêtre, sorte de bunker insonorisé au milieu de ce grand espace. Il abrite une longue table et deux chaises. Le candidat est installé face à la porte. Il attend. Sur la table, un dossier à son nom. Il aimerait l’ouvrir et le feuilleter, mais il n’osera pas. Au bout de la table, des documents en libre-service, dont Dix conseils aux dirigeants qui souhaitent rebondir, avec, en n° 1, Prendre du recul et, en n° 2, Abandonner toute idée de revanche… L’angoisse monte. Puis Brigitte Lemercier, silhouette

fine, habits de couleur sombre, ■ élégance froide, arrive avec Orson, sans un sourire, et l’épreuve de l’interview peut commencer.

Telle est l’invariable mise en condition, préalable à l’examen de passage qui doit contribuer à propulser, ou non, le candidat à un poste éminent du CAC 40. Rien que pour l’année 2020, Engie et Renault, en souffrance et en quête d’un nouveau directeur général, s’en sont remis aux services de Brigitte Lemercier pour qu’elle leur déniche le profil idéal. Résultat: l’Italien Luca De Meo, qui régnait auparavant sur le constructe­ur automobile Seat en Espagne, préside depuis juillet aux destinées de l’ex-régie, et la Française Catherine MacGregor, ex-Technip, vient d’emménager à la Défense pour s’attaquer à la restructur­ation de l’énergétici­en français. Ces deuxlà ont donc passé haut la main l’épreuve initiatiqu­e du rendezvous de l’avenue de l’Observatoi­re et ont même fait des mamours à Orson avant de quitter les lieux.

Première classe. Brigitte Lemercier est la « chasseuse de têtes » du CAC 40. À ces mots, elle tressaille : « Non, s’il vous plaît, n’employez pas cette expression… On dirait que je prends mon fusil et pan ! Cela renvoie à l’idée d’un métier qui ferait du négoce d’êtres humains, alors que c’est tout le contraire. Je respecte les gens et je les fais progresser. » Alors, va pour la beaucoup moins imagée « conseillèr­e en gouvernanc­e »… Brigitte Lemercier, 69 ans, jouit d’un statut à part dans la profession. Elle a monté sa propre boutique, fait rarissime dans un business dominé par de gros cabinets anglo-saxons (Russell Reynolds, Egon Zehnder, Heidrick & Struggles). Son fonds de commerce, c’est la recherche de dirigeants de très haut niveau. Que du top, de l’élite, de la première classe. Quand elle est missionnée par une entreprise, c’est pour trouver un PDG, un directeur général ou des membres de comité exécutif. L’échelon en dessous n’est pas sa préoccupat­ion profession­nelle. Cette femme si puissante

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 ??  ?? Flair. Brigitte Lemercier, le 4 décembre, avec Orson, son teckel, dans le 6e arrondisse­ment de Paris, où elle a installé son cabinet de chasseur de têtes.
Flair. Brigitte Lemercier, le 4 décembre, avec Orson, son teckel, dans le 6e arrondisse­ment de Paris, où elle a installé son cabinet de chasseur de têtes.
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