La collecte universelle
Un Bonpland trop discret
Si son nom ne vous dit rien, Aimé Bonpland ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Il a pourtant accompagné le célèbre explorateur Alexander von Humboldt dans toutes ses pérégrinations. Les deux hommes font connaissance à Paris, en 1798, autour d’un goût commun pour l’aventure et les sciences. L’expédition d’Égypte est partie sans eux ? Ils conviennent de la rejoindre mais s’en trouvent empêchés. Plutôt que rentrer bredouilles à Paris, ils mettent le cap sur l’Amérique latine. Le 16 juillet 1799, ils débarquent au Venezuela. Durant quatre mois, ils engrangent des données botaniques et astronomiques, puis ils se mettent d’accord pour remonter en pirogue l’Orénoque jusqu’à sa source. Rien ne peut les arrêter, ni les moustiques vecteurs de fièvres, ni les piranhas, ni les naufrages, ni les sangsues, ni les puces chiques. Ils sont même pris pour des espions. Ils regagnent la civilisation avec une considérable moisson scientifique.
Les voilà repartis pour une traversée de la cordillère des Andes au cours de laquelle ils escaladent plusieurs volcans dans des conditions épouvantables. Après nombre d’aventures, ils rentrent en France en 1804 avec 60000 échantillons de plantes, dont 6 000 sont des espèces nouvelles pour la science. Paris réserve un triomphe à Humboldt, qui sait faire sa publicité; Bonpland, qui préfère l’ombre, court se cacher chez lui, en province. L’immense collection qu’il a rassemblée rejoint le Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. En 1816, Aimé Bonpland explore seul l’Argentine de long en large. Il est arrêté par le dictateur du Paraguay, où il est assigné à résidence pendant neuf ans. Quand il est libéré, en 1831, au lieu de regagner la France, il finit sa vie entre le Brésil, l’Uruguay et l’Argentine, où il meurt en 1858.
Missionnaire lazariste, le père David était moins préoccupé par les âmes que par les plantes et les animaux. Au cours de trois expéditions, il écuma la Chine, rapportant dans ses bagages un immense butin botanique et zoologique dont la plus belle pièce fut le grand panda.
Né à Espelette en 1826, ordonné prêtre lazariste à 24 ans, le jeune Armand David rêve d’être envoyé en Chine pour assouvir sa passion des sciences naturelles. Après dix ans d’attente, le voilà enfin à Pékin en 1862. Convertir les Chinois est le cadet de ses soucis ; il préfère parcourir les alentours de la capitale pour collecter le maximum de plantes, d’animaux, de roches, de fossiles qu’il expédie au Muséum national d’histoire naturelle. Ses expéditions le mènent en Mongolie et au Tibet. En mars 1869, il entend parler d’un ours noir et blanc. Bientôt, un chasseur lui apporte un spécimen mort. « Cet ours est bien le plus agréablement coloré du genre que je connaisse ; son museau plus court et plus rond que celui de l’espèce noire lui donne un air moins méchant. Il vit dans les montagnes les plus inaccessibles, se nourrit de végétaux, surtout de racines de bambou », note-t-il. Il s’agit du grand panda. Le père David se procure la peau d’une femelle qu’il envoie au Muséum. L’animal, reconstitué, trône aujourd’hui dans la Grande Galerie.
En 1872, le missionnaire reprend le chemin de l’Empire céleste. Là, suivi par deux charrettes et servi par deux guides, il s’enfonce dans la Chine centrale, explore les monts Qinling, déplore la destruction des forêts primitives. Sur la route du retour, son radeau fait naufrage dans un rapide. Il perd alors une grande partie de sa collection. Le Muséum lui doit tout de même 2 919 spécimens de plantes, 9 569 d’insectes, arachnides et crustacés, 1 332 d’oiseaux et 596 de mammifères.