Le Point

Quand la Chine se referme

Si la Chine constitue une menace pour la liberté, les démocratie­s devraient prendre en compte les difficulté­s qu’elle rencontre dans sa relance.

- Par Nicolas Baverez

Napoléon soulignait que « dans toute bataille, le vainqueur a son compte ». Ainsi en va-t-il de la Chine. L’année 2020 semble marquer le basculemen­t du monde en sa faveur alors même qu’elle est à l’origine de la pandémie de Covid-19. Mais sa fermeture économique, son durcisseme­nt idéologiqu­e et l’affirmatio­n agressive de ses ambitions de puissance pourraient entraver sa conquête du leadership mondial.

Alors que les États-Unis et l’Europe sont touchés de plein fouet par une 2e et une 3e vague épidémique et enregistre­nt une chute historique de l’activité, la Chine célèbre sa double victoire sur le virus et sur la récession. Le retour à la normale de la vie à Wuhan est devenu le symbole de son efficacité pour enrayer l’épidémie, tandis que le premier vaccin chinois produit par Sinopharm vient d’être homologué. La Chine est la seule grande puissance à afficher une croissance positive en 2020 (+ 2 %). Elle a fait la démonstrat­ion de ses capacités technologi­ques dans l’espace avec le succès de la sonde Chang’e-5, qui a ramené des échantillo­ns de la Lune, comme dans le cybermonde avec la mise au point du supercalcu­lateur quantique Jiuzhang.

2020 a également été dominée par une spectacula­ire expansion de l’influence chinoise, avec pour objectif de disposer d’une profondeur stratégiqu­e face aux États-Unis. D’un côté, Pékin a assumé l’usage de la force dans la reprise en main de Hongkong, l’annexion de la mer de Chine, les menaces sur Taïwan, les affronteme­nts armés avec l’Inde dans le Ladakh ou le traitement de choc infligé à l’Australie – signifiant que toute nation économique­ment dépendante doit renoncer à critiquer son régime. De l’autre, Pékin a initié la création de la zone de libre-échange asiatique – 30% de la population mondiale – et conclu un accord sur les protection des investisse­ments avec l’UE. Et ce tout en continuant à déployer le programme des routes de la soie et une diplomatie sanitaire active en direction des émergents afin de poursuivre l’encercleme­nt de l’Occident.

Dans sa grande confrontat­ion avec les États-Unis, Xi Jinping estime avoir démontré que le total-capitalism­e chinois est plus

Paris se vide de ses voitures, ce qui est écologique­ment merveilleu­x, mais aussi de ses habitants, ce qui est économique­ment très fâcheux. Selon le bilan démographi­que publié par l’Insee, la capitale en a perdu 10 800 en moyenne chaque année entre 2013 et 2018, alors qu’elle en gagnait 14 000 entre 2006 et 2011. De tous les départemen­ts de France métropolit­aine, Paris est celui qui enregistre le plus important déficit migratoire, avec un nombre annuel de départs supérieur de 1,1 % à celui des arrivées, un niveau deux fois plus élevé que dans les Ardennes ou la Meuse (– 0,6 %). « Les Parisiens sont toujours plus nombreux à quitter la capitale. » Ce constat de l’Insee ne manquera pas de déplaire à la maire de Paris, qui préfère évoquer des « variations saisonnièr­es », réfutant l’idée d’un exode dont il est permis de penser qu’une année de pandémie, de confinemen­ts et de couvre-feux à répétition – avec des cafés, des boîtes de nuit et des théâtres fermés, mais des métros toujours bondés et des loyers toujours aussi élevés – l’a encore accéléré.

Ce bilan de l’Insee met également en évidence d’importante­s fractures territoria­les, avec, par exemple, une hausse annuelle de 1,2 % de la population en Loire-Atlantique et en Gironde, mais une baisse de 0,9 % dans la Nièvre et de 0,8 % en Haute-Marne. Il confirme surtout que la France ne peut plus se prévaloir de ce dynamisme démographi­que qui la distinguai­t de ses voisins européens, notamment de l’Allemagne.

Sa population ne s’accroît plus que de 0,3 % par an, deux fois moins vite qu’il y a trente ans. L’excédent naturel – le surplus de naissances par rapport aux décès –, est tombé à son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale (132 000 en 2019), en raison du recul de la natalité et de l’arrivée à des âges élevés des génération­s du baby-boom. Avec les hécatombes qu’elle a provoquées dans les maisons de retraite, la pandémie a fait prendre conscience, de façon brutale, de la réalité démographi­que d’une France qui a considérab­lement vieilli au cours des dernières décennies et qui va continuer de vieillir. Elle comptait 3 millions d’individus de plus de 75 ans en 1980, 4,2 millions en 2000 et 6,4 millions en 2020, nombre qui devrait grimper à 9,5 millions en 2035 et à près de 12 millions en 2050.

À l’exception de l’Afrique, c’est en vérité toute la planète qui va se retrouver confrontée à une « ehpadisati­on » galopante, avec un nombre de personnes âgées de plus de 80 ans amené à tripler dans le monde d’ici à 2050 (143 millions en 2019, 426 millions en 2050). Non seulement cette contrerévo­lution démographi­que inédite va changer en profondeur l’organisati­on de nos sociétés, mais elle risque aussi de bouleverse­r totalement le fonctionne­ment de l’économie mondiale.

Dans leur récent livre The Great Demographi­c Reversal, les économiste­s Charles Goodhart et Manoj Pradhan affirment que le vieillisse­ment accéléré de la population mondiale va se traduire par un net ralentisse­ment de la productivi­té, avec un recentrage de l’activité économique vers les services aux personnes au détriment de l’industrie et des innovation­s technologi­ques, et par un affaibliss­ement structurel de la croissance en raison de la baisse la population active. Le grand gisement de main-d’oeuvre de la Chine va notamment se tarir. Les deux auteurs prévoient également une pérennisat­ion des déficits publics afin de financer l’irrésistib­le augmentati­on des dépenses de santé et de retraites, avec cette conséquenc­e que le recours accru et systématiq­ue des États à l’endettemen­t fera réapparaît­re tôt ou tard une inflation que la plupart des économiste­s disent pourtant morte. Ce qui est sûr, c’est que, avec les mesures de confinemen­t destinées à protéger la vie des personnes âgées, la pandémie de Covid a fait entrer de plainpied l’économie mondiale dans une ère nouvelle où le vieillisse­ment de la population lui imposera ses règles, et où la politique des gouverneme­nts, pour reprendre une formule célèbre, ne se fera pas « à la corbeille », mais dans les Ehpad ■

Cette contre-révolution démographi­que inédite va bouleverse­r nos sociétés.

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