Quand la Chine se referme
Si la Chine constitue une menace pour la liberté, les démocraties devraient prendre en compte les difficultés qu’elle rencontre dans sa relance.
Napoléon soulignait que « dans toute bataille, le vainqueur a son compte ». Ainsi en va-t-il de la Chine. L’année 2020 semble marquer le basculement du monde en sa faveur alors même qu’elle est à l’origine de la pandémie de Covid-19. Mais sa fermeture économique, son durcissement idéologique et l’affirmation agressive de ses ambitions de puissance pourraient entraver sa conquête du leadership mondial.
Alors que les États-Unis et l’Europe sont touchés de plein fouet par une 2e et une 3e vague épidémique et enregistrent une chute historique de l’activité, la Chine célèbre sa double victoire sur le virus et sur la récession. Le retour à la normale de la vie à Wuhan est devenu le symbole de son efficacité pour enrayer l’épidémie, tandis que le premier vaccin chinois produit par Sinopharm vient d’être homologué. La Chine est la seule grande puissance à afficher une croissance positive en 2020 (+ 2 %). Elle a fait la démonstration de ses capacités technologiques dans l’espace avec le succès de la sonde Chang’e-5, qui a ramené des échantillons de la Lune, comme dans le cybermonde avec la mise au point du supercalculateur quantique Jiuzhang.
2020 a également été dominée par une spectaculaire expansion de l’influence chinoise, avec pour objectif de disposer d’une profondeur stratégique face aux États-Unis. D’un côté, Pékin a assumé l’usage de la force dans la reprise en main de Hongkong, l’annexion de la mer de Chine, les menaces sur Taïwan, les affrontements armés avec l’Inde dans le Ladakh ou le traitement de choc infligé à l’Australie – signifiant que toute nation économiquement dépendante doit renoncer à critiquer son régime. De l’autre, Pékin a initié la création de la zone de libre-échange asiatique – 30% de la population mondiale – et conclu un accord sur les protection des investissements avec l’UE. Et ce tout en continuant à déployer le programme des routes de la soie et une diplomatie sanitaire active en direction des émergents afin de poursuivre l’encerclement de l’Occident.
Dans sa grande confrontation avec les États-Unis, Xi Jinping estime avoir démontré que le total-capitalisme chinois est plus
Paris se vide de ses voitures, ce qui est écologiquement merveilleux, mais aussi de ses habitants, ce qui est économiquement très fâcheux. Selon le bilan démographique publié par l’Insee, la capitale en a perdu 10 800 en moyenne chaque année entre 2013 et 2018, alors qu’elle en gagnait 14 000 entre 2006 et 2011. De tous les départements de France métropolitaine, Paris est celui qui enregistre le plus important déficit migratoire, avec un nombre annuel de départs supérieur de 1,1 % à celui des arrivées, un niveau deux fois plus élevé que dans les Ardennes ou la Meuse (– 0,6 %). « Les Parisiens sont toujours plus nombreux à quitter la capitale. » Ce constat de l’Insee ne manquera pas de déplaire à la maire de Paris, qui préfère évoquer des « variations saisonnières », réfutant l’idée d’un exode dont il est permis de penser qu’une année de pandémie, de confinements et de couvre-feux à répétition – avec des cafés, des boîtes de nuit et des théâtres fermés, mais des métros toujours bondés et des loyers toujours aussi élevés – l’a encore accéléré.
Ce bilan de l’Insee met également en évidence d’importantes fractures territoriales, avec, par exemple, une hausse annuelle de 1,2 % de la population en Loire-Atlantique et en Gironde, mais une baisse de 0,9 % dans la Nièvre et de 0,8 % en Haute-Marne. Il confirme surtout que la France ne peut plus se prévaloir de ce dynamisme démographique qui la distinguait de ses voisins européens, notamment de l’Allemagne.
Sa population ne s’accroît plus que de 0,3 % par an, deux fois moins vite qu’il y a trente ans. L’excédent naturel – le surplus de naissances par rapport aux décès –, est tombé à son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale (132 000 en 2019), en raison du recul de la natalité et de l’arrivée à des âges élevés des générations du baby-boom. Avec les hécatombes qu’elle a provoquées dans les maisons de retraite, la pandémie a fait prendre conscience, de façon brutale, de la réalité démographique d’une France qui a considérablement vieilli au cours des dernières décennies et qui va continuer de vieillir. Elle comptait 3 millions d’individus de plus de 75 ans en 1980, 4,2 millions en 2000 et 6,4 millions en 2020, nombre qui devrait grimper à 9,5 millions en 2035 et à près de 12 millions en 2050.
À l’exception de l’Afrique, c’est en vérité toute la planète qui va se retrouver confrontée à une « ehpadisation » galopante, avec un nombre de personnes âgées de plus de 80 ans amené à tripler dans le monde d’ici à 2050 (143 millions en 2019, 426 millions en 2050). Non seulement cette contrerévolution démographique inédite va changer en profondeur l’organisation de nos sociétés, mais elle risque aussi de bouleverser totalement le fonctionnement de l’économie mondiale.
Dans leur récent livre The Great Demographic Reversal, les économistes Charles Goodhart et Manoj Pradhan affirment que le vieillissement accéléré de la population mondiale va se traduire par un net ralentissement de la productivité, avec un recentrage de l’activité économique vers les services aux personnes au détriment de l’industrie et des innovations technologiques, et par un affaiblissement structurel de la croissance en raison de la baisse la population active. Le grand gisement de main-d’oeuvre de la Chine va notamment se tarir. Les deux auteurs prévoient également une pérennisation des déficits publics afin de financer l’irrésistible augmentation des dépenses de santé et de retraites, avec cette conséquence que le recours accru et systématique des États à l’endettement fera réapparaître tôt ou tard une inflation que la plupart des économistes disent pourtant morte. Ce qui est sûr, c’est que, avec les mesures de confinement destinées à protéger la vie des personnes âgées, la pandémie de Covid a fait entrer de plainpied l’économie mondiale dans une ère nouvelle où le vieillissement de la population lui imposera ses règles, et où la politique des gouvernements, pour reprendre une formule célèbre, ne se fera pas « à la corbeille », mais dans les Ehpad ■
Cette contre-révolution démographique inédite va bouleverser nos sociétés.