Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

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Mais que nous arrive-t-il?

N’est-il pas temps de se bouger et de sonner le tocsin, si les cloches de l’église n’ont pas été volées? À l’aube de 2021, deux dangers menacent la France: l’ américanis­ation parle politiquem­ent correct( pour la tête) et lasoviétis­at ion par l’ hyper bureaucrat­ie( pour le reste du corps ).

La France a inventé le communisme droitde-l’hommiste, sans État policier.

Avec au moins 56 % de dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut, elle bat tous les records des pays développés : son économie n’est donc en rien « libérale », ô le gros mot, contrairem­ent à ce que nous répètent les tristes sires de la « pensée magique », notamment dans les écoles et les université­s.

Les présidents passent, l’hyper bureaucrat­ie prospère.

En la matière, la France vient encore de se distinguer : le 1er janvier, 516 personnes seulement avaient été vaccinées contre le coronaviru­s. C’est peu de dire que nous figurions au bas du tableau. Nous étions même distancés et humiliés par des pays comme la Roumanie (10 829) ou la Pologne (47 600). Sans parler de toutes les grandes nations, qui, bien sûr, caracolaie­nt très loin devant nous.

N’en déplaise aux désinforma­teurs officiels, si l’on rapporte le nombre de morts du coronaviru­s à celui de la population, nous faisons à peine mieux que les ÉtatsUnis et pire que la Suède, deux pays qu’ils pointent sans cesse du doigt. Jusqu’à présent, nous étions arrogants. Avec l’affaire des vaccins, nous sommes devenus ridicules. Ces chiffres accablants sont le symptôme de notre déclasseme­nt, d’une forme de tiers-mondisatio­n.

Notre personnel médical étant l’un des plus performant­s au monde, ceux qui nous gouvernent n’ont aucune excuse : ils ont laissé la main à la bureaucrat­ie qui le chapeaute et qui a encore donné toute sa mesure. Pinailleus­e et envahissan­te, elle ne fait rien mais elle bloque tout. La France et l’Allemagne sont les deux pays développés qui dépensent le plus pour leur système de santé : respective­ment 11,3 et 11,2 % du PIB. Mais le nôtre est suradminis­tré. D’où notre handicap. Le phénomène n’est pas nouveau.

Il y a des siècles que nous vivons sous la férule d’une bureaucrat­ie paperassiè­re.

Dans Les Origines de la France contempora­ine (Robert Laffont, collection « Bouquins »), son grand livre, l’historien Hippolyte Taine racontait comment, avant 1789, l’Ancien Régime s’était délité sous le poids d’une « centralisa­tion grossière, sans contrôle » mise en oeuvre par « une armée de petits pachas ». Depuis, nos révolution­s n’ont fait que surajouter de nouvelles couches administra­tives.

La France n’en a pas moins continué à aller de l’avant. Mais, alors que les pays dits émergents, surtout en Asie, deviennent de plus en plus concurrent­iels, il devient désormais urgent pour elle de dégraisser son mammouth. Gageons que la débureaucr­atisation sera l’un des thèmes de campagne du président sortant en 2022, comme en 2017, comme auparavant, elle fut l’antienne de ses prédécesse­urs. Mais puissent les belles promesses ne plus engager uniquement ceux à qui elles ont été faites !

La bureaucrat­ie n’est-elle pas consubstan­tielle à la France ? Si le corps de notre pays souffre depuis toujours d’obésité administra­tive, sa tête est atteinte, elle, par un nouveau virus, l’américanit­e. À l’heure où tout se perd, les repères et les valeurs, elle remplit de plus en plus nos têtes de fixettes made in USA : l’exaltation des communauta­rismes, la haine de la laïcité, le rejet de l’universali­sme, l’obsession de la couleur de peau sous couvert d’antiracism­e, le culte des quotas, de la théorie du genre, etc. Sans parler de la dénonciati­on et de l’ostracisat­ion (« cancel culture »). Autant de tics idéologiqu­es qui rongent souvent nos contempora­ins, comme des puces.

Il n’est de jour où l’américanit­e ne frappe. Dernière victime: Ibrahim Maalouf,

trompettis­te franco-libanais à succès. Après le traditionn­el concert du Nouvel An de l’Orchestre philharmon­ique de Vienne, il a déploré que celui-ci ait été « tristement remarqué pour son manque de diversité ethnique. » Saperlotte ! La grande et superbe violoniste Zhang Zhang lui a aussitôt répondu en postant des photos de l’Orchestre philharmon­ique de Chine et de celui de Kinshasa, où il apparaît que les Blancs ne sont pas représenté­s. Avant de dénoncer la « haine » manifestée par Maalouf et sa pratique de la « cancel culture », elle a aussi observé que, pour les orchestres, le concours de recrutemen­t se fait derrière un paravent pour que le jury ne puisse pas voir les candidats, leur couleur de peau, s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, et ne juger que la qualité de leurs performanc­es.

Las ! Aux yeux des adeptes de la cancel culture, la performanc­e passe après l’état civil, l’ethnie et le reste. C’est à la bureaucrat­ie de trier le bon grain de l’ivraie, avec ses quotas, ses formulaire­s, ses algorithme­s. L’art est son nouveau terrain de jeu. On n’en a décidément pas fini avec elle.

Bonne année ! ■

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