Le Point

Les derniers jours de la « monarchie technocrat­ique », par Sébastien Le Fol

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

« Tout est gelé… pour le moment. Qui peut dire ce que l’on trouvera sous la glace ? », nous confie Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie exprime les inquiétude­s du pouvoir. Comment réagiront les Français lorsque l’État va retirer les perfusions qui maintienne­nt en vie des pans entiers de notre économie depuis mars ? Comme l’écrivait Tocquevill­e, « ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux ». En ce début d’année, nous ne voyons pas l’eau qui dort sous la glace. Le fleuve en furie des Gilets jaunes n’est jamais tout à fait rentré dans son lit. Puisque, dans ce pays d’Histoire, nous affectionn­ons les analogies, il en est une que l’on ne peut tout à fait exclure : et si 2021 était 1792 ? On lira le récit par l’historien Charles-Éloi Vial de ces mois fatidiques, qui s’achevèrent par le procès de Louis XVI, dans Révolution­s françaises (Perrin-Le Point), l’ouvrage dirigé par Patrice Gueniffey et François-Guillaume Lorrain. La monarchie croit alors avoir sauvé sa peau. Et pourtant, comme l’affirmera François Furet : « Dans cette rencontre entre le génie soupçonneu­x de la Révolution et les cachotteri­es de la politique royale, il y a une connivence tragique qui porte à la guerre comme à l’épreuve de vérité. » La France de 1792 allait aussi mal que celle de 1789. La Révolution n’avait en rien résolu les problèmes économique­s et l’endettemen­t endémique. Aujourd’hui, un écart vertigineu­x s’est créé entre ceux nés du bon côté du pont et les autres. En 1792, la voix de Robespierr­e s’était fait entendre, tonnant contre « l’avidité des bourgeois », réclamant des têtes. Il n’est pas impossible qu’une gauche robespierr­iste, tenant un discours radical sur la dette, le travail et la mondialisa­tion, bouscule l’avenir. Emmanuel Macron, qui a médité sur « l’absence de la figure du roi » dans la politique française, se trouve à la tête d’une « monarchie technocrat­ique » à bout de souffle. Il est temps de retirer la perfusion qui la maintient en vie. Et d’inventer un nouvel art de gouverneme­nt ■

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