Le Point

Mila : « Ça fait un an que j’ai perdu ma vie »

Exclusif. Le 18 janvier 2020, une vidéo de cette adolescent­e sur l’islam enflammait les réseaux sociaux. « Bunkérisée », comme les journalist­es de Charlie Hebdo, elle se confie au Point.

- PROPOS RECUEILLIS PAR PEGGY SASTRE*

Un an que la vie de Mila a basculé. Le 18 janvier 2020, cette jeune Franco-Allemande née en Essonne, installée depuis l’enfance dans la région lyonnaise, lance un « live » sur Instagram. Elle ose y affirmer ses goûts amoureux (« les Reubeus » c’est « pas trop mon style ») et se fait copieuseme­nt insulter (« gouine » ; « inch’Allah tu meurs, sale pute… »). En réaction, elle s’en prend à l’islam en des termes crus. La vidéo – censée rester privée – devient virale et signe le début de « l’affaire Mila ». Depuis, ces images ont été vues 35 millions de fois ; plus de 50 000 menaces de mort ont déferlé sur la jeune femme, qui, en mars, fêtera ses 18 ans.

Elle est l’adolescent­e la plus menacée de France, une énième victime de l’obscuranti­sme islamiste, mais, au fond, qui est Mila ? Cet entretien exclusif éclaire la personnali­té de cette jeune fille au courage admirable, qui revendique son droit au blasphème quand la République semble prête à y renoncer. Ce qui frappe, c’est sa force, sa résilience, son courage. Elle ne s’excuse pas, car elle n’a jamais dérapé, versé dans l’injure raciale. Notre entretien s’est déroulé le samedi 16 janvier, durant deux heures, via Skype. Un dialogue s’était engagé quelques mois plus tôt, sur les réseaux.

Dans un tweet posté le 17 janvier, quelques heures après cette interview, Mila a mêlé gravité et dérision : « Aujourd’hui, ça fait un an que je suis harcelée sur Internet et que je risque de mourir égorgée, chaque jour, dans le monde réel. Un an que j’ai appris que ma vie ne serait plus jamais la même. Mais faites péter la vodka, il faut fêter ça bordel ! » Des centaines de « followers » lui ont apporté leur soutien, mais les insultes ont vite repris le dessus. « Tu mérites qu’on t’enterre vivante », a réagi Fadia, planquée comme les autres derrière son pseudo. « Je vais encore devoir aller déposer plainte », soupire la maman de Mila.

« Qui peut imaginer ce que vit cette jeune fille, bunkérisée comme les gens de Charlie Hebdo ?» s’indigne l’avocat de la famille (et de Charlie), Me Richard Malka. « Mila a compris qu’elle ne pourrait plus retrouver sa vie d’avant : sortir, recevoir ses amis… Notre domicile est protégé nuit et jour. Alors, forcément, elle a des hauts et des bas », confie sa mère. Ses parents évoquent une « cinglante désillusio­n » : « Constater à quel point la haine est répandue à travers la manière dont notre fille est salie, le plus souvent par des jeunes, nous afflige. On se dit : “Avec de telles personnes, de quoi sera fait l’avenir ?” »

Le 4 décembre, le président Macron confiait au média en ligne Brut : « Vous avez une jeune fille qui critique l’islam sur les réseaux, elle est harcelée, elle ne peut même plus être dans une école […]. Ça veut dire qu’on est devenus fous. » Une semaine plus tard, Mila était exclue de son lycée militaire. Le ministère de la Défense, qui lui imposait le silence, a invoqué des motifs de sécurité. Elle suivra bientôt des cours à distance.

Aujourd’hui, Le Point lui redonne sa liberté de parole.

Le Point: Vous donnez l’image d’une jeune femme vivant pour ses passions, quelles sont-elles? Mila:

J’en ai trois, à égalité. La musique, l’écriture et le maquillage artistique et d’effets spéciaux. Cette dernière est la plus récente. J’ai commencé à me maquiller comme toutes les adolescent­es, vers 11-12 ans, au départ parce que j’étais complexée par mes cils ■

« Je refuse que l’affaire Mila me définisse. Ce n’est pas ce que je suis et j’essaie de me battre tous les jours pour que ça ne me représente pas à 100 %. »

et sourcils, que j’ai très blonds. Ensuite, je me ■ suis mise au fond de teint pour cacher mes boutons. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à regarder des vidéos de maquillage, mais sans plus, ce qui ne m’a pas empêchée de passer par toutes les étapes foireuses [rires]. Les trop gros sourcils, le fond de teint orange alors que je suis très blanche de peau… J’ai mis des années à apprendre. C’est avec le premier confinemen­t que j’ai commencé le FX [maquillage effets spéciaux, NDLR], à me faire des flammes sur le visage, à me colorer le torse en rose, ce genre de choses, en improvisan­t ou en prenant des modèles. Et là, j’ai compris que ce n’était pas qu’un passe-temps. Que ce soit un loisir ou un métier, peu importe, je veux me lancer dans le maquillage. C’est une activité qui me fait tellement de bien. Quand je me maquille ou quand je maquille quelqu’un avec un maquillage sophistiqu­é, élaboré, atypique, c’est une manière de m’exprimer très importante pour moi. Je me sens davantage moi-même. Et ce n’est pas forcément pour être plus jolie. Autour de moi, quasiment tout le monde dit me préférer le visage nu, mais la Mila beaucoup maquillée, c’est moi. Si je n’ai pas plein de couleurs, des dessins sur le visage, je ne me sens pas moi-même. Ou je me sens moins moi-même.

Et l’écriture?

L’écriture et la musique, c’est plus ancien. Je crois que j’écris depuis toujours, que ce soit des poèmes ou des chansons. J’ai toujours rêvé d’écrire un livre. Mais ça s’est accéléré au lycée, lors de ma première année de seconde dans un établissem­ent privé catholique. Il y avait ce cours de « littératur­e et société » qui était génial. J’adorais ce cours où tout était consacré à l’écriture. On arrivait, on posait nos fesses et on était libres d’écrire ce qu’on voulait durant tout le cours. Avec ma prof, je me suis sentie très libre. Elle m’a dit que je pouvais tout écrire, un livre, des poèmes, des chansons, ce que je voulais. C’est là, il y a deux-trois ans, que je me suis mise à vraiment écrire, pour moi ou pour le publier. En plus, c’était un moyen de me sentir moins seule.

« Je suis le grand méchant loup des gens les plus actifs sur les réseaux, à savoir les

jeunes d’extrême gauche. »

Pourquoi? Vous n’aviez pas d’amis dans ce lycée?

Non, c’était l’établissem­ent où j’ai fait toutes mes classes de collège, mais mes amis étaient partis dans d’autres établissem­ents. Je me suis donc retrouvée avec des nouveaux, ou des anciens qui ne m’aimaient pas. Entre les cours, je passais donc énormément de temps seule à écrire, quel que soit le support. Des carnets, mon téléphone, une tablette…

Vous savez ce que vos camarades vous reprochaie­nt?

Oui, mais je n’avais rien à me reprocher, en réalité. Si les élèves ne m’aimaient pas, c’est parce que je m’habillais court, trop sexy, ou dans un style vestimenta­ire très différent et décalé. Je pouvais arriver en mini-short, crop top [haut découvrant le nombril, NDLR], décolleté et collants résille. J’avais donc la réputation de la prostituée de service, j’étais très mal vue et insultée en permanence.

Et comment vous le viviez?

Mal. Sur les réseaux sociaux, quand je me fais insulter, ce qui arrive tous les jours et plusieurs fois par jour depuis un an [rires], je bloque et je passe à autre chose. Mais dans la vie, non, je n’arrive pas à ignorer. Sans compter qu’il y avait aussi des réflexions du côté des adultes…

De professeur­s qui vous reprochaie­nt votre look?

Totalement. Souvent, je rentrais en classe et on me virait du cours juste parce qu’on voyait un tout petit bout de mon ventre. Alors j’allais dans le bureau du CPE, un monsieur très gentil qui ne savait pas trop quoi faire ni dire. On m’a fait aussi une réputation de droguée, alors que, si c’est vrai que j’ai un peu fumé, jamais je ne me suis affichée en cours. Mais voilà, j’étais la camée, la pute, et j’étais tout le temps dans ma bulle.

À cause du regard des autres?

Oui et non. J’ai toujours été dans un autre monde, mais c’est vrai aussi que j’ai toujours été harcelée, même en sixième. Une fois, par exemple, je sortais de cours, je descendais les escaliers, et il y avait un attroupeme­nt d’élèves qui m’attendaien­t pour me cracher dessus. Et, à l’époque, ce n’était pas à cause de mes tenues, c’était parce que j’avais raconté que je rêvais d’être chanteuse et actrice ! Des filles étaient allées raconter à tout le monde que je prétendais être une chanteuse et une actrice très connue… et on a commencé à se moquer de moi et à me faire la vie impossible. Par exemple, quand je passais dans un couloir, il y avait toujours des gens pour me faire des crochepied­s. Je tombais, je me relevais, ça partait en baston. Des fois, il m’arrivait d’ignorer, comme me le conseillai­ent mes parents. Mais ça ne changeait pas grandchose.

Pourquoi?

Parce que c’est pareil dans tous les établissem­ents, les gamins sont dégueulass­es. Souvent, on m’a dit que j’étais problémati­que, et j’ai longtemps pensé

que le problème venait de moi, mais non. Il vient peut-être de moi avec les autres, effectivem­ent, mais c’est un phénomène très courant, très banal. Tous mes amis se sont fait harceler. C’est le cas de tout le monde que je connais. Comme si c’était un passage obligé pour grandir.

Vous subissez aussi du cyberharcè­lement. Vous diriez que les réseaux sociaux aggravent le problème?

Peut-être qu’ils ne l’aggravent pas, mais ils l’amplifient. C’est réciproque. Ce qui se passe sur les réseaux déborde dans la vraie vie, et réciproque­ment. Les réseaux sociaux sont devenus un défouloir où les gens se cherchent toujours une bête de foire. Et pour les années 2020-2021, la bête de foire, c’est moi !

Pourquoi, à votre avis, ce besoin de bouc émissaire?

Désolée d’être cash, mais moi j’appelle les lyncheurs des réseaux sociaux des frustrés et des suicidaire­s. Les gens qui ont toujours besoin d’un souffre-douleur, toujours besoin de quelqu’un à martyriser, en fait ils déchargent leur malheur sur autrui et ils sont prêts à tout pour nuire. Franchemen­t, je ne comprends pas ce que ça peut leur apporter d’accuser quelqu’un de tous les « phobes » de la planète. Moi, par exemple, je suis raciste, grossophob­e, transphobe, homophobe, psychophob­e. Et islamophob­e aussi, mais bon, ça, c’est vrai [rires]. En vrai, ça me fait peur, c’est dingue. La voilà, mon explicatio­n. Les gens qui sont vraiment heureux ne cherchent pas à créer des problèmes aux autres.

Dans votre génération, vous estimez que c’est un phénomène très important?

Oui, parce que ma génération n’est faite que d’effets de mode et d’illusions. Les réseaux sociaux amplifient tout cela, et ça monte à la tête des gens en prenant une ampleur pas possible. Il y a vraiment un essor de tous les fanatismes, et pas que religieux. C’est comme si plus rien n’était vrai. Le vrai problème, c’est que, comme les gens veulent se sentir exister tout en ne sachant pas réfléchir par euxmêmes, les réseaux sociaux aggravent leurs frustratio­ns car ça leur fait comprendre qu’ils ont une vie de merde. Et, pour l’oublier, ils vont aller emmerder quelqu’un.

Par exemple?

Sur TikTok, on attaque beaucoup les faiblesses, et ça peut tourner au lynchage. Il suffit que quelqu’un soit handicapé, gros, pas beau, n’importe quoi, et ça part. Le pire, c’est que je ne peux pas m’empêcher de regarder les commentair­es. Ça me monte les nerfs, ça me rend dingue. Sur les réseaux sociaux, derrière l’écran, les gens ont trop la confiance. Bien plus que dans la vraie vie.

Et les échanges sont plus violents?

Largement. Dans la rue, imaginons une personne à qui il manque un oeil : oui, bien sûr, on va la regarder. Quand quelqu’un est différent, ça attire l’attention. Mais rien à voir avec ce qui se passe sur les réseaux sociaux, avec l’effet de masse et ■

d’entraîneme­nt des insultes. Le paradoxe, c’est ■ que sur Internet, quand je me fais déglinguer, j’ai pas d’autre choix que d’ignorer. Par contre, dans la vraie vie, je claque et c’est fini.

Votre génération ne serait pas aussi tolérante et sensible à la diversité qu’on le dit…

Pas du tout. Les gens défendent simplement les causes qui les arrangent. Comme je le disais, tout est un effet de mode, et c’est très hypocrite. Prenez le mouvement LGBT. D’un côté, c’est très bien, je suis moi-même pansexuell­e et mon amoureux est un homme trans. Mais, d’un autre, tout est devenu si excessif. On est dans le totalitair­e, le tyrannique, la dictature de la pensée. Par exemple, il suffit de «mégenrer» quelqu’un, même sans le faire exprès, pour que ça parte en drama incroyable. Plus généraleme­nt, dès que monte un phénomène de défense collective d’une cause, ça devient très difficile de faire entendre une voix contraire, des critiques. On vous tombe tout de suite dessus.

Sur les questions de genre, par exemple?

Pas seulement. Une fois, j’ai dit que je soutenais les forces de l’ordre, que je n’étais pas ACAB [All cops are bastards, « tous les flics sont des ordures », NDLR] et c’était parti. En fait, je suis le grand méchant loup des gens de ma génération les plus actifs sur les réseaux sociaux, à savoir les jeunes d’extrême gauche. Toutes mes idées s’opposent à eux. Mais je pense qu’en réalité ce sont leurs idées qui s’opposent à celles de la majorité, et même à une certaine vérité. Leur virulence est inversemen­t proportion­nelle à leur représenta­tivité dans la population générale. C’est aussi pour ça que je dis que les réseaux sociaux amplifient tout. C’est quelque chose que mes parents me répètent depuis longtemps, mais j’ai fini par le comprendre de moi-même. On est face à des petits soldats qui feraient n’importe quoi pour imposer leurs idées. Et tout est dit dans ce verbe : ils imposent. Ce sont de petits groupes hypertyran­niques qui tyrannisen­t les autres.

Et qui ne font rien pour faire progresser les mentalités de façon positive?

Non, d’ailleurs on pourrait trouver cela bizarre que beaucoup de fanatiques se revendique­nt LGBT. Le concept, à la base, il était bien. Comme je disais, j’ai une sexualité qui pourrait être classée comme décalée et il m’est arrivé de participer à des prides et de trouver ça sympa. Mais il y a trop d’abus, ce qui fait que je n’ai pas envie de m’inscrire dans ces communauté­s. Je n’ai pas envie de revendique­r ma sexualité dans un drapeau. Ce qui me pose aussi un énorme problème, c’est la montée de la haine envers les cis, de la honte d’être cis. La pire personne pour ces jeunes ? Un homme cisgenre hétéro blanc et flic [rires]. Ce qui fait que tout le monde en est à se déclarer trans ou non-binaire du jour au lendemain. Sauf que trans, on l’est ou on ne l’est pas depuis toujours, ça ne se déclenche pas sur un coup de tête. C’est une mode que je trouve parfaiteme­nt débile, et le pire, c’est qu’elle concerne des gens d’une vingtaine d’années. Ils me donnent l’impression d’être coincés en enfance.

Vous pensez que ces effets de mode sont dangereux?

Oui. C’est peut-être aujourd’hui à peu près cantonné sur les réseaux sociaux, mais j’ai peur que cela prenne trop d’ampleur dans la vie réelle. Globalemen­t, la montée des fanatismes m’effraie, et je pense que les réseaux sociaux sont un accélérate­ur. C’est quelque chose que je peux noter depuis le début de mon adolescenc­e. Les jeunes sont beaucoup plus violents, sur la défensive, dans l’excès sur plein de choses. Les sentiments semblent aussi artificiel­s qu’exacerbés, les relations éphémères et explosives, on passe de l’amour à la haine en un rien de temps. Quand il y a une rupture ou des embrouille­s d’amitié, il y a toujours une base dans les réseaux sociaux, ils sont toujours impliqués d’une manière ou d’une autre.

Vous y êtes d’ailleurs depuis quand, sur ces réseaux?

Depuis le début du collège. Vous allez rire, mais je n’ai vraiment pas été dans les plus précoces de ce côté-là. Mes camarades me parlaient d’Instagram, ça ne me disait rien, je n’étais pas du tout intéressée. Et puis un soir, comme tout le monde n’arrêtait pas d’en parler et que cela avait visiblemen­t beaucoup d’importance, je suis allée voir et je suis tombée amoureuse de ce réseau. J’ai commencé à poster des photos, je réfléchiss­ais beaucoup à mes mises en scène, c’est devenu comme un petit travail ! J’ai eu assez vite beaucoup d’abonnés et cela me plaisait énormément. J’adore quand on communique avec moi, qu’on rigole, qu’on réagit…

Et aujourd’hui, après l’affaire Mila?

Les réseaux sociaux m’apportent toujours une grande communauté. Beaucoup de gens me suivent et adorent ce que je fais. Je reçois énormément de soutien, de messages de remercieme­nt. Des filles qui me disent que je leur donne confiance en elles parce que je m’assume. Cela me fait beaucoup de bien et ma communauté me sera sans doute très utile pour des projets qui verront le jour en 2021.

Vous pourriez imaginer la vie sans Internet?

Pas du tout ! D’ailleurs, même si je connais des gens qui ne sont pas actifs sur les réseaux ou qui postent de manière anonyme, tout le monde y est. Je ne connais aucun déconnecté, personne. Même mes grands-parents, qui ont entre 70 et 80 ans, ils sont à fond sur Apple. Et mon papy me défend beaucoup sur Twitter [rires].

Vous êtes née en banlieue parisienne, mais vous avez grandi dans la région lyonnaise. La vie en province est-elle aussi difficile que les Parisiens veulent le croire et le faire croire?

Pas du tout, c’est même tout l’inverse ! [rires] J’adore Lyon, j’adore sortir, faire des soirées au bord du Rhône, même si c’est plus trop possible aujourd’hui. Jamais je ne me suis sentie isolée par rapport à Paris, ce n’est pas une ville qui m’intéresse.

Et la politique, cela vous intéresse?

Pas du tout, je suis totalement apolitique. Je n’y comprends rien.

Emmanuel Macron vous a-t-il appelée l’année dernière?

Je crois me souvenir que j’ai eu des contacts avec des politiques, mais pas avec Macron, non, il ne m’a jamais appelée.

Aujourd’hui, si vous l’aviez en face de vous ou au bout du fil, que lui diriez-vous?

C’est une question difficile, on ne parle pas comme on veut à un président ! [rires] Mais si je m’imagine en mesure de lui conseiller de faire quelque chose… Je crois que ça serait de poser certaines limites à la pratique de l’islam en France. De mieux sanctionne­r les insultes faites au nom de la religion. De tolérer le voile simple, mais pas le voile intégral.

Le port du voile intégral est interdit depuis 2010 dans l’espace public…

Ah bon ? Alors la loi est mal appliquée, car moi j’en vois partout, des femmes Batman, comme je les appelle.

Et vous réagissez comment, dans ces cas-là?

Je ne vais pas vous mentir, je trouve ça lamentable. Mais de la même manière que, si je croise une femme voilée dans la rue, elle n’a rien à dire sur ma tenue, moi je n’ai rien à dire sur la sienne. Bien sûr, cela ne m’empêche pas de penser que c’est de la soumission, que c’est ridicule, etc., mais je ne vais pas aller l’embêter. Par contre, des agressions verbales de la part de femmes voilées, ça m’est arrivé souvent. Tellement que je ne peux plus les compter.

Par exemple?

Un jour, j’étais au Primark et il y avait deux femmes très voilées. L’une avait l’air d’avoir la vingtaine et l’autre un peu plus vieille. Elles mettaient le bazar dans le rayon des soutiens-gorge et quand je suis passée près d’elles, mais sans rien leur dire ni même les regarder, l’une m’a jeté un vêtement au visage de manière très agressive, puis une casquette et encore ensuite un petit miroir. Elles me traitaient de «sale pute », « sale kalba » [«chienne», en arabe]. Et pourquoi ? Parce que, ce jour-là, j’avais un short et un débardeur. Et c’était bien avant l’affaire Mila !

Vous n’avez jamais eu d’accrochage avec des hommes musulmans?

Si, mais plutôt avec des garçons de mon âge au lycée. Certains m’avaient demandé de mieux m’habiller. Un autre encore d’arrêter d’être lesbienne et de ne plus me montrer avec ma copine devant le lycée parce que c’était « haram ». Après, je ne vais pas faire ma gamine et condamner tous les musulmans parce que certains m’ont agressée, mais je pense qu’il faut mettre des restrictio­ns au développem­ent des formes les plus extrêmes de cette religion afin qu’elles ne s’imposent pas dans nos vies, qu’elles ne nous dictent pas leurs normes. Peut-être qu’il n’y a pas la charia en France, mais la mini-charia, elle est là et bien là.

« Peut-être qu’il n’y a pas la charia en France, mais la mini-charia, elle est là et bien là. »

Cis : diminutif de « cisgenre », personne dont le sexe et l’identité sexuelle psychique (le genre) sont identiques ; contraire de transgenre.

Pansexuel : se dit d’une personne pouvant être attirée par une autre de n’importe quel sexe ou genre.

Trans : diminutif de « transgenre », personne dont le sexe et le genre ne correspond­ent pas ; contraire de cisgenre.

TDAH : trouble déficitair­e de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité ; les personnes qui en sont atteintes sont dites « hyperactiv­es ». LGBT : sigle rassemblan­t les minorités sexuelles non hétérosexu­elles ; lesbiennes, gays, bisexuels et trans. Mégenrer : se tromper sur le genre de quelqu’un.

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Espoir. Toutes les photos sont issues de l’album personnel de Mila.
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« Dans ma famille, on est athées de génération en génération », rappelle Mila.
Décorum ? « Dans ma famille, on est athées de génération en génération », rappelle Mila.

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