Le Point

Sous le masque, une drôle de récession

Les aides massives de l’État en faveur des ménages et des entreprise­s ont plongé le pays dans un coma artificiel. Le réveil sera douloureux…

- Par Pierre-Antoine Delhommais

Il ne fait malheureus­ement plus aucun doute que le PIB dépendra moins cette année des taux d’intérêt que des taux de reproducti­on des variants du Covid-19, moins de nos exportatio­ns de champagne que de nos importatio­ns de vaccins. Mieux vaut donc se fier aux prévisions des épidémiolo­gistes plutôt qu’à celles des économiste­s. Selon le président du conseil scientifiq­ue, Jean-François Delfraissy, la France pourrait « sortir en grande partie de cette crise autour du mois de septembre ». Mais ce moment qui fait tant rêver, où il redeviendr­a possible d’aller boire tard le soir un verre au café avec des amis en sortant du cinéma, est aussi celui qui promet d’être le plus périlleux sur le plan économique. Le retour des jours heureux risque surtout d’être socialemen­t extrêmemen­t douloureux en étant celui des faillites en chaîne et des licencieme­nts en cascade.

Grâce aux aides financière­s massives de l’État, les Français ont jusqu’à présent, dans leur très grande majorité, peu ressenti à titre personnel la catastroph­e économique sans précé dent que la pandémie a provoquée à l’échelle du pays. Malgré l’effondreme­nt historique de 9 % du PIB, le pouvoir d’achat par habitant n’aura reculé en moyenne que de 0,3 % en 2020. Le Covid-19 a fait des ravages psychologi­ques chez les Français, mais peu de dégâts financiers. Leur moral a été durement touché, mais pas leur portefeuil­le.

Ce qui est vrai pour les ménages l’est aussi pour les entreprise­s. Les récessions s’étaient toujours traduites, dans le passé, très logiquemen­t, par une envolée des faillites. Elles avaient ainsi augmenté de 40 % lors de la crise des subprimes de 2008. Mais, en 2020, alors même que la France connaissai­t sa pire récession depuis un siècle, leur nombre a diminué de 36 % et il n’avait même jamais été aussi faible depuis vingt ans. On voudrait croire au miracle, mais il n’y en a jamais en économie.

Depuis près d’un an, des dizaines de milliers d’entreprise­s, petites, moyennes et grandes, se trouvent de fait plongées dans un coma artificiel et placées en permanence sous perfusions d’argent public qu’il faudra bien un jour ou l’autre, sauf à prendre le risque que l’État lui-même fasse faillite, débrancher. De la discothèqu­e au sous-traitant d’Airbus, nombre d’entre elles ne se remettront jamais de ce long séjour en réanimatio­n, en en ressortant trop endettées, trop fragilisée­s et pas assez productive­s pour être économique­ment viables. Il faut s’attendre en 2021 à une envolée record du nombre de faillites avec à la clé des centaines de milliers de suppressio­ns d’emplois.

On aurait tort de se fier à son intuition qui ferait penser que la fin de la crise sanitaire marquera la fin de la crise économique. C’est tout le contraire. Moins le virus circulera, plus le chômage risque d’augmenter. Plus la vie sociale pourra reprendre un cours normal, plus la crise sociale, en revanche, menacera de s’installer. Il faut d’ores et déjà redouter le jour où les économiste­s prendront la place, à la télévision, des épidémiolo­gistes ■

Malgré l’effondreme­nt de 9 % du PIB, le pouvoir d’achat par habitant n’aura reculé en moyenne que de 0,3 % en 2020.

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