Sous le masque, une drôle de récession
Les aides massives de l’État en faveur des ménages et des entreprises ont plongé le pays dans un coma artificiel. Le réveil sera douloureux…
Il ne fait malheureusement plus aucun doute que le PIB dépendra moins cette année des taux d’intérêt que des taux de reproduction des variants du Covid-19, moins de nos exportations de champagne que de nos importations de vaccins. Mieux vaut donc se fier aux prévisions des épidémiologistes plutôt qu’à celles des économistes. Selon le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, la France pourrait « sortir en grande partie de cette crise autour du mois de septembre ». Mais ce moment qui fait tant rêver, où il redeviendra possible d’aller boire tard le soir un verre au café avec des amis en sortant du cinéma, est aussi celui qui promet d’être le plus périlleux sur le plan économique. Le retour des jours heureux risque surtout d’être socialement extrêmement douloureux en étant celui des faillites en chaîne et des licenciements en cascade.
Grâce aux aides financières massives de l’État, les Français ont jusqu’à présent, dans leur très grande majorité, peu ressenti à titre personnel la catastrophe économique sans précé dent que la pandémie a provoquée à l’échelle du pays. Malgré l’effondrement historique de 9 % du PIB, le pouvoir d’achat par habitant n’aura reculé en moyenne que de 0,3 % en 2020. Le Covid-19 a fait des ravages psychologiques chez les Français, mais peu de dégâts financiers. Leur moral a été durement touché, mais pas leur portefeuille.
Ce qui est vrai pour les ménages l’est aussi pour les entreprises. Les récessions s’étaient toujours traduites, dans le passé, très logiquement, par une envolée des faillites. Elles avaient ainsi augmenté de 40 % lors de la crise des subprimes de 2008. Mais, en 2020, alors même que la France connaissait sa pire récession depuis un siècle, leur nombre a diminué de 36 % et il n’avait même jamais été aussi faible depuis vingt ans. On voudrait croire au miracle, mais il n’y en a jamais en économie.
Depuis près d’un an, des dizaines de milliers d’entreprises, petites, moyennes et grandes, se trouvent de fait plongées dans un coma artificiel et placées en permanence sous perfusions d’argent public qu’il faudra bien un jour ou l’autre, sauf à prendre le risque que l’État lui-même fasse faillite, débrancher. De la discothèque au sous-traitant d’Airbus, nombre d’entre elles ne se remettront jamais de ce long séjour en réanimation, en en ressortant trop endettées, trop fragilisées et pas assez productives pour être économiquement viables. Il faut s’attendre en 2021 à une envolée record du nombre de faillites avec à la clé des centaines de milliers de suppressions d’emplois.
On aurait tort de se fier à son intuition qui ferait penser que la fin de la crise sanitaire marquera la fin de la crise économique. C’est tout le contraire. Moins le virus circulera, plus le chômage risque d’augmenter. Plus la vie sociale pourra reprendre un cours normal, plus la crise sociale, en revanche, menacera de s’installer. Il faut d’ores et déjà redouter le jour où les économistes prendront la place, à la télévision, des épidémiologistes ■
Malgré l’effondrement de 9 % du PIB, le pouvoir d’achat par habitant n’aura reculé en moyenne que de 0,3 % en 2020.