Le Point

Procès des attentats de 2015 : pour l’Histoire

Yannick Haenel et François Boucq ont suivi le procès des attentats de 2015, dont ils livrent un compte rendu aussi bouleversa­nt que salutaire.

- PAR ROMAIN BRETHES

«Faites-moi un monument!» C’est sur cette injonction, mi-sérieuse mi-Charlie, que Riss, le directeur de l’hebdo satirique, avait demandé à l’écrivain Yannick Haenel et au dessinateu­r François Boucq de prendre en charge le compte rendu du procès historique des attentats de janvier 2015. Les deux complices, que Riss avait convaincus cette année-là de rejoindre les rangs d’une rédaction décimée et ravagée par le chagrin, ont donc livré chaque jour, du 2 septembre au 16 décembre 2020, les textes et dessins consacrés aux audiences de la veille. Voici donc réunies leurs chroniques quotidienn­es dans un livre parfaiteme­nt fidèle à l’esprit

Charlie (Cabu était un grand spécialist­e du dessin d’audience). Nous avions rencontré François Boucq à l’ouverture du procès. Le dessinateu­r nous avait dévoilé ses premières planches, où défilaient robes noires et visages masqués, et qui exhalaient, déjà, une lourde tension. Boucq n’était pas un novice en la matière, lui qui avait déjà couvert le procès du Carlton en février 2015 : « Mais le Carlton, avec DSK ou Dodo la Saumure, c’était du Feydeau ou du Courteline. Ici, nous sommes dans la tragédie. Il y a bien sûr les victimes de l’Hyper Cacher et les policiers tués, que je n’oublie pas, mais mon métier me place tout naturellem­ent aux côtés de mes collègues assassinés, parce qu’ils avaient eu le tort d’être des dessinateu­rs. » Les dessins de Boucq opèrent une étrange symbiose avec les mots de Haenel, qui oscillent entre la retranscri­ption froide de la mécanique judiciaire et la chaleur lumineuse d’une parole bien vivante. Qu’il s’interroge sur l’omniprésen­ce des masques (« De quels masques s’agit-il ? Celui que portent, pour se prémunir contre le Covid, les magistrats de la cour d’assises, les détenus, les parties civiles… ou un autre masque, celui que chacun porte spontanéme­nt pour se protéger de la violence des autres et pour dissimuler sa propre violence ») ou sur les mensonges des accusés qui « jouent aux vertueux » – «La concurrenc­e des victimes est l’obscénité de notre époque » –, Haenel aspire à contredire le constat formulé par Michel Houellebec­q à Philippe Lançon dans Le Lambeau : « Ce sont les violents qui l’emportent. » Parfois, il doute et hésite face à l’indicible et à « l’inassimila­ble », au moment où la scène de crime apparaît sur un écran. Pour François Boucq, ce livre « est aussi un moyen de témoigner du pouvoir et de l’incidence du dessin, qui possède des vertus qui ébranlent ». Yannick Haenel conclut : « Faire sourire les morts, c’est la plus grande chose qu’on puisse faire en vivant. » Janvier 2015. Le Procès est dédié à une autre victime du terrorisme : Samuel Paty

Janvier 2015. Le Procès, de Yannick Haenel et François Boucq

(Les Échappés/Charlie Hebdo, 216 p., 22 €).

« Faire sourire les morts, c’est la plus grande chose qu’on puisse faire en vivant. »

Yannick Haenel

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Les accusés
Zineb El Rhazoui Les accusés
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Riss
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Coco
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Fabrice Nicolino
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Richard Malka

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