Le Point

Design : Pierre Jeanneret chez Piasa

Piasa disperse un ensemble de meubles imaginés par Pierre Jeanneret pour la cité utopique indienne. Des icônes universell­es très recherchée­s.

- PAR GILLES DENIS

C’est une histoire d’utopies croisées : celle de l’Inde se rêvant après l’indépendan­ce comme la première grande nation hors des empires ; celle de la cité idéale, thème traversant l’histoire de l’humanité ; celle d’un homme, Le Corbusier, qui se voit donc confier le chantier de Chandigarh, nouvelle capitale du Pendjab après la partition de 1947. Mais quand le grand dessein prend vie, quand l’architectu­re de béton structure la plaine, un autre homme entre en scène : Pierre Jeanneret, cousin de l’architecte, avec qui il a écrit, en 1926, Les Cinq Points d’une architectu­re nouvelle. De 1951 à 1966, installé sur place, il conduit les travaux tout en créant le mobilier des édifices publics – Cour de justice, écoles, bibliothèq­ues, université, Assemblée. Un ensemble utilisant des essences locales, comme le sissoo ou le teck provenant de la déforestat­ion nécessaire à l’édificatio­n de la cité. Un dessin de lignes simples, autour de X, de U et de V, posant en axiome la fonctionna­lité et l’harmonie avec l’environnem­ent, conjuguant modernisme et localisme. Cet ensemble sort de l’ombre à la fin des années 1990 : esthètes et collection­neurs s’en emparent, les prix s’emballent, le gouverneme­nt indien en interdit l’exportatio­n en 2011. Icônes du design, certaines pièces sont rééditées par Cassina, d’autres restaurées et repensées – comme les 17 éléments de mobilier gainés de cuir en 2019 par Kris Van Assche, directeur artistique de Berluti, avec la complicité du galeriste François Laffanour. D’autres apparaisse­nt parfois aux enchères comme la vingtaine de bancs, tables, bureaux, fauteuils et canapés, dispersés chez Piasa. Paul Viguier, spécialist­e chargé de cette vente de design français, précise : «On oublie souvent que Jeanneret n’est pas un jeune designer quand il arrive à Chandigarh. Il a 55 ans, a participé aux grandes révolution­s des arts décoratifs. » Il n’a donc plus rien à prouver, et ce mobilier n’est pas un manifeste. «Son universali­té vient d’un certain classicism­e, de l’élégance qui s’exprime dans la courbe, de l’empreinte des arts décoratifs français qui se lit dans ses pièces fabriquées en Inde par des Indiens pour des Indiens. Au-delà de l’effet de mode, Jeanneret compose la sainte trilogie du design français avec Prouvé et Perriand.» Une place que confirme sa cote, toujours élevée. L’utopie a un prix ■

Vente de design français, Piasa, le 28 janvier. www.piasa.fr.

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Il y créera tout le mobilier des bâtiments publics, comme ces rares fauteuils (évalués entre 30 000 et 40 000 euros) ou cette table de bibliothèq­ue
(55 000-75 000 euros, détail ci-contre).
Pierre Jeanneret (à g.) est un designer reconnu lorsqu’il rejoint Le Corbusier pour édifier Chandigarh. Il y créera tout le mobilier des bâtiments publics, comme ces rares fauteuils (évalués entre 30 000 et 40 000 euros) ou cette table de bibliothèq­ue (55 000-75 000 euros, détail ci-contre).
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