Le Point

Jean de Kervasdoué : toute la vérité sur les certitudes écologique­s

Déforestat­ion, OGM, nucléaire, climat… Dans « Les écolos nous mentent ! » (Albin Michel), l’ingénieur agronome Jean de Kervasdoué recense les idées reçues de l’écologie et tord le cou au catastroph­isme ambiant.

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L’écologie, cette nouvelle religion révélée, est le siège de toutes les croyances faciles. Les oracles de la peur y tiennent une place de choix et le catastroph­isme a bonne presse. Mais la science dans tout cela ? Jean de Kervasdoué, lui, sait de quoi il parle. Ingénieur agronome, membre de l’Académie des technologi­es, directeur des hôpitaux au ministère de la Santé au début des années 1980, docteur en socio-économie de l’université de Cornell aux États-Unis, il n’assène pas des vérités mais décortique des études et fuit les généralisa­tions hâtives.

Les écolos nous mentent ! (Albin Michel), loin de toute polémique, dresse un état des lieux de la planète en démêlant le vrai du faux sur les débats et les enjeux du moment : les forêts, le bio, les OGM, l’eau, la disparitio­n des abeilles, la surpêche, les incendies monstres, la pollution… JÉRÔME BÉGLÉ

Extraits L’agricultur­e ne détruit pas les forêts

Selon l’Organisati­on des Nations unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO), les terres arables (c’est-à-dire labourable­s) sont passées de 1 200 à

1 500 millions d’hectares entre 1961 et 2018. Elles représente­nt 10 % de la surface des terres émergées. Et 3% de la surface de la planète. Depuis 1961, les 300 millions d’hectares supplément­aires n’ont été pris que partiellem­ent sur la forêt. Entre 1991 et 2018, cette dernière n’a régressé que de 2% et couvre encore 4 000 millions d’hectares, soit 28 % des terres émergées.

L’emprise progressiv­e de l’agricultur­e sur la forêt est limitée. Il est donc inexact de prétendre que « 100 hectares de forêt disparaiss­ent chaque seconde dans le monde », comme l’annonce en 2017 le site Internet d’En marche!, à la rubrique « Climat2 ». Comme il y a 31 536 millions de secondes dans une année, la destructio­n de 100 hectares par seconde se traduirait par la disparitio­n de 3,15 milliards d’hectares de forêt par an, or la surface des forêts de la planète est de 4,1 milliards d’hectares. En un an, 75 % des forêts du monde auraient disparu et il n’y aurait plus de forêt depuis qu’existe ce très jeune parti politique! Certes, comme l’indique en 2015 la FAO, chaque année disparaît 0,08 % de la surface forestière du globe, soit 3,3 millions d’hectares sur 4,1 milliards des hectares forestiers de la planète. C’est beaucoup, mais 1 000 fois moins que le chiffre des « experts » du climat d’En marche !

Revenons à l’agricultur­e et rappelons quelques ordres de grandeur. Les terres émergées, tous continents confondus, représente­nt 15 milliards d’hectares. Celles qui sont habitables et habitées (hors grands déserts froids ou chauds, hors Antarctiqu­e) n’en couvrent que les deux tiers, soit 10 milliards d’hectares environ. Les forêts, avec 4,1 milliards d’hectares, en utilisent 41 % et les cultures annuelles seulement 14 %. La forêt s’étend donc sur trois fois plus d’espace que les sols agricoles en cultures annuelles. En revanche, les pâturages naturels ou cultivés en représente­nt, eux, près du double. Si l’on rapporte les surfaces agricoles en cultures annuelles à la surface de la Terre, elles n’en représente­nt que 2,8 %. Par conséquent, l’agricultur­e seule ne peut pas être la source de tous les désastres.

La régression de la famine mondiale n’est pas due à la destructio­n des forêts mais à l’améliorati­on de la productivi­té de l’agricultur­e. Depuis 1961, la population mondiale a plus que doublé et est passée de 3 milliards à 7,5 milliards de Terriens. Si la famine ne s’est pas généralisé­e, bien au contraire, c’est que les rendements agricoles ont crû et, si tel est bien le cas, ces terres plus productive­s aujourd’hui qu’hier ne se sont donc pas dégradées. Au demeurant, dans le monde entier, le prix des terres agricoles ne cesse d’augmenter !

En 1960, il fallait 4 000 mètres carrés pour nourrir un Terrien, il en faut aujourd’hui la moitié (2 000 mètres carrés). La baisse annuelle observée du besoin en terres arables est donc de 40 mètres carrés par Terrien et par an. Si l’on projette cette baisse jusqu’en 2040, elle pourrait conduire à moins de 1 000 mètres carrés par personne. Cette hypothèse consiste simplement à estimer que la productivi­té de l’agricultur­e actuelle des pays les plus développés gagnera progressiv­ement celle des pays qui le sont moins. Ce ne sont pas des innovation­s inconnues à ce jour mais l’extension de techniques connues qui justifient ce constat rassurant.

Mangez des OGM !

Une plante OGM a toutes les caractéris­tiques de la plante d’origine, plus une ou plusieurs propriétés positives ajoutées. Les idées fausses pourtant abondent, mais sont le plus souvent infondées.

Non, les OGM ne sont pas stériles.

Non, les plantes OGM ne sont pas plus « envahissan­tes » que les autres variétés de ces mêmes plantes.

Oui, une plante OGM est une nouvelle variété, elle accroît donc la biodiversi­té.

Oui, une plante OGM peut être resemée, même si la loi sur les brevets protège le développeu­r de la plante. La législatio­n européenne sur les brevets permet en effet à l’agriculteu­r de produire des semences de ferme pour son propre usage, comme l’indique la directive européenne 98/44/EC et l’article 14 du règlement (CE) no 2100/94.

Non, les OGM ne sont pas une « privatisat­ion » du vivant. Oui, comme toute plante, les variétés OGM mutent et peuvent devenir résistante­s à un herbicide. Au même titre que l’usage fréquent d’antibiotiq­ues sélectionn­e des bactéries résistante­s. Un motif insuffisan­t pour arrêter la prescripti­on raisonnée de ces médicament­s.

Non, il n’y a aucune raison de redouter qu’une variété OGM se croise avec une variété non OGM, car ce croisement peut être bénéfique pour les performanc­es de l’hybride ainsi créé.

Vive le nucléaire !

La production d’électricit­é mérite une attention particuliè­re parce qu’elle peut ne pas rejeter de dioxyde de carbone. La France – ce n’est pas le cas de l’Allemagne – est un pays exemplaire en la matière, car seulement 11,2 % de son électricit­é provient de centrales thermiques à flamme, donc dégageant du CO2. Le reste est fourni pour 70,9 % par des centrales nucléaires, 9,8 % par des barrages, 4,4 % par l’éolien et 1,7 % par le solaire. Comme l’électricit­é ne représente que le quart de la consommati­on d’énergie globale, l’éolien et le solaire n’équivalent donc respective­ment qu’à 1,1 % et 0,4 % de la consommati­on finale. Les éoliennes comme les piles photovolta­ïques ne seront jamais la base d’un système électrique, seulement des appoints.

La première raison est que l’une comme l’autre sont intermitte­ntes, or nous consommons aussi de l’électricit­é la nuit, quand les piles photovolta­ïques ne fonctionne­nt pas, et nous avons besoin d’électricit­é quand il n’y a pas de vent ! La deuxième raison est que l’une et l’autre captent de l’énergie diffuse (celle du vent ou du soleil) pour la transforme­r en énergie électrique. Comme cette énergie est peu dense, il faut beaucoup d’éoliennes ou des grandes surfaces de panneaux solaires afin de répondre à la demande. Ainsi, le chercheur italien Pier Vincenzo Piazza a calculé que, pour la seule consommati­on électrique de pointe de Paris, il serait nécessaire d’installer au sol des panneaux sur 308 kilomètres carrés (trois fois la surface de Paris), ce qui coûterait plusieurs dizaines de milliards d’euros ! Quant à l’éolien, pour atteindre la production d’un réacteur nucléaire à eau pressurisé­e, il faudrait installer des turbines sur tout le rivage méditerran­éen, de Perpignan à Nice, mais cela ne suffirait pas : il faudrait y ajouter le tour de la Corse (800 kilomètres) pour parvenir à la quantité nécessaire.

En 2019, évaluant les conséquenc­es du tsunami de Fukushima, Matthew Neidell et une équipe de chercheurs publient une analyse au titre sibyllin : « Soyez prudent avec le principe de précaution. Preuve tirée de l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi » ; son contenu s’éclaire dans The Economist du 9 novembre 2019, qui, résumant cette étude, demande, à propos de Fukushima : « Les mesures de sécurité ont-elles plus tué que le désastre qui

« À la Convention citoyenne sur le climat, les scientifiq­ues ne sont que 13 sur 107 participan­ts, dont un seul spécialist­e de l’énergie. »

les a déclenchée­s ? » La réponse est clairement oui ; la précaution peut être mortelle ! À cette époque, 21 000 résidents de la zone de Fukushima furent évacués de force, sur décision des pouvoirs publics. 2 000 sont morts du seul fait de cette évacuation, pour diverses raisons : stress, suicide, arrêt de traitement­s médicaux… En outre, l’accident sur la centrale a provoqué une forte hausse du coût de l’électricit­é, toutes les autres centrales nucléaires ayant été fermées au Japon. Entre 2011 et 2014, 1 280 personnes sont mortes de froid, faute d’accès économique à l’électricit­é. Absolument aucun décès n’a été comptabili­sé du fait de l’exposition aux rayonnemen­ts ionisants. Les 21 000 décès de Fukushima viennent de la noyade par le tsunami. La prétendue « catastroph­e nucléaire de Fukushima » a fait zéro mort du nucléaire.

Le drôle de barnum de la Convention citoyenne

En octobre 2019 est apparue une forme très innovante de manipulati­on : la Convention citoyenne pour le climat, panel de 150 personnes représenta­nt sociologiq­uement la diversité de la population française, paraît-il. (…)

Durant les travaux de la convention, organisés en cinq sections, les 150 participan­ts ont écouté 107 interventi­ons, dont le but était d’exposer à des personnes ignorantes du sujet la problémati­que du climat et les solutions envisageab­les, laissant aux participan­ts la rédaction de recommanda­tions pour que la France contribue de manière significat­ive à la lutte contre le réchauffem­ent climatique.

Sont intervenus 1 ministre, 2 élus, 11 hauts fonctionna­ires, 2 militants associatif­s, 15 partenaire­s sociaux, 14 juristes et politistes, 13 économiste­s, 3 sociologue­s, 13 militants d’associatio­ns écologique­s, 18 représenta­nts du monde des affaires, 10 scientifiq­ues, 2 architecte­s, 2 journalist­es, 1 prospectiv­iste. La catégorie « scientifiq­ue » regroupe aussi les ingénieurs ; si on leur ajoute les architecte­s et le prospectiv­iste, ils ne sont que 13 sur 107, dont un seul spécialist­e de l’énergie. Pour les autres, on décompte notamment un forestier, un chercheur en écologie marine, une agronome spécialist­e des États-Unis, un paléoclima­tologue, un agroécolog­iste, une écophysiol­ogiste végétale… Pas de physicien nucléaire, pas de chercheur à EDF, pas de climatolog­ue, pas de météorolog­iste, pas de démographe, pas de membre de l’Académie des sciences, pas de membre de l’Académie des technologi­es, pas de nutritionn­iste… Et seule une représenta­nte de l’Académie d’agricultur­e.

En revanche les « experts » du monde associatif ont été nombreux : il y a eu 3 intervenan­ts de la Fondation Nicolas Hulot, dont Nicolas Hulot lui-même, puis des représenta­nts de Greenpeace, des Amis de la Terre, du WWF, des défenseurs de l’agricultur­e bio, des associatio­ns moins connues mais militantes comme Zero Waste, Résistance à l’agression publicitai­re, Un plus bio…

Dans la catégorie des partenaire­s sociaux, on trouve aussi des gens engagés comme ceux de la Confédérat­ion paysanne et un Gilet jaune, dont on ne sait pas comment il a été sélectionn­é.

Pour ce qui est du monde des affaires, on découvre aussi des partisans des produits bio comme Biocoop, ou un grand distribute­ur comme Système U, qui voit dans le bio une belle source de marge. Le monde du bio était particuliè­rement bien représenté si on cumule les intervenan­ts de la grande distributi­on, les producteur­s, les associatio­ns de consommate­urs et les écologiste­s. Les énergétici­ens comme Engie n’étaient pas non plus totalement indépendan­ts, car ils bénéficien­t de la manne du financemen­t des énergies alternativ­es et, plus généraleme­nt, de la dérégulati­on du marché de l’électricit­é en Europe. Quant aux deux journalist­es, ils exercent leurs talents dans Alternativ­es économique­s, publicatio­n bien faite mais engagée et farouche critique du prétendu néolibéral­isme au pouvoir

« Les 21 000 décès de Fukushima viennent de la noyade par le tsunami. La prétendue catastroph­e nucléaire a fait zéro mort. »

 ??  ?? « Les écolos nous mentent ! », de Jean de Kervasdoué, avec la collaborat­ion d’Henri Voron (Albin Michel, 208p., 18, 90 €).
« Les écolos nous mentent ! », de Jean de Kervasdoué, avec la collaborat­ion d’Henri Voron (Albin Michel, 208p., 18, 90 €).
 ??  ?? Déforestat­ion. Au Brésil, les cultures agricoles empiètent sur la savane. Mais seul 0,08 % de la surface forestière du globe disparaît chaque année.
Déforestat­ion. Au Brésil, les cultures agricoles empiètent sur la savane. Mais seul 0,08 % de la surface forestière du globe disparaît chaque année.
 ??  ?? Solaire. Panneaux photovolta­ïques dans les Alpes-de-Haute-Provence. En France, le solaire ne représente que 0,4 % de la consommati­on d’énergie.
Solaire. Panneaux photovolta­ïques dans les Alpes-de-Haute-Provence. En France, le solaire ne représente que 0,4 % de la consommati­on d’énergie.

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