Le Point

Biden et le fantôme de l’Occident

Le nouveau président américain a deux priorités : réparer les États-Unis et contenir la Chine. L’Europe, elle, devra lui prouver son utilité.

- Par Luc de Barochez

Dès son entrée à la Maison-Blanche, le 20 janvier, Joe Biden a fait retirer le buste de Winston Churchill qui trônait dans le Bureau ovale. Au rancart, le Premier ministre britanniqu­e qui contribua pendant la Seconde Guerre mondiale à sauver l’Europe du totalitari­sme ! Le nouveau président lui a substitué le buste d’une immense figure afro-américaine du XXe siècle, Martin Luther King. Si la démarche est légitime, elle montre bien où sont les vraies priorités de Joe Biden. L’Europe n’en fait pas partie. L’Amérique en revanche, oui. Et aussi, la Chine.

Joe Biden pense que c’est aux États-Unis que la liberté et la démocratie doivent d’abord être réparées. La diplomatie de Washington sera désormais subordonné­e à cet objectif : contenter la classe moyenne américaine pour éviter le retour au pouvoir du national-populisme dans quatre ans. Les premiers décrets de politique étrangère pris par le nouveau président ont néanmoins mis du baume au coeur des Européens. Le retour des États-Unis au sein de l’accord de Paris sur le climat et leur réinvestis­sement dans l’Organisati­on mondiale de la santé sont des signes bienvenus d’une volonté de Washington de jouer le jeu du multilatér­alisme. Les États-Unis reprennent leur place dans le concert des nations, redevienne­nt une puissance prévisible, consciente de sa force, qui sait où elle va.

La Chine, elle aussi, sait où elle va. Elle entend répandre dans le monde son système de capitalism­e d’État totalitair­e, à l’exact opposé de la démocratie libérale. L’objectif de Pékin est d’asseoir sa domination sur l’Eurasie, gigantesqu­e continent dont l’Europe ne serait plus qu’un appendice soumis – et dont l’Amérique serait exclue. Après le contrôle des infrastruc­tures et la conquête des industries, la Chine a désormais en ligne de mire les cerveaux européens : la première université chinoise d’Europe doit ouvrir en 2024 à Budapest.

Dans la rivalité globale qui oppose Pékin à Washington, l’Union européenne fait figure de champ de bataille plutôt que de protagonis­te. Elle est le maillon faible. Son poids économique n’a cessé de diminuer depuis dix ans par comparaiso­n avec ceux de la Chine ou des États-Unis. Ses institutio­ns sont inconsista­ntes, plus proches d’une confédérat­ion que d’une fédération. Les nations qui la composent ne partagent pas une vision commune de la constructi­on européenne.

Cette Europe-là, vue de Washington, est peu inspirante. Obsédé par les excédents commerciau­x allemands, Donald Trump la traitait en adversaire, voire en ennemie. Joe Biden, lui, veut la ménager. On craint toutefois qu’il soit plus animé par la peur de sa fragilité que par la confiance en son avenir. Il est tenté de substituer une alliance mondiale des démocratie­s à la relation transatlan­tique traditionn­elle, qui formait ce qu’on appelait « l’Occident » ou « le monde libre ». Il encourager­a cependant la quête d’une « souveraine­té européenne », à condition qu’elle ne favorise pas la neutralité des Européens entre Washington et Pékin. L’Union européenne a un coup à jouer, si elle est prête à prendre ses responsabi­lités dans la défense mondiale de la démocratie libérale. Mais, pour cela, on attend toujours le Winston Churchill du XXIe siècle

Joe Biden est tenté de substituer une alliance mondiale des démocratie­s à la relation transatlan­tique traditionn­elle.

 ??  ?? Je cherche un livre de 296 pages à 17,90 euros.
Je cherche un livre de 296 pages à 17,90 euros.

Newspapers in French

Newspapers from France