Un bouleversement dans l’agriculture ?
Un vaccin à base d’ARN messager, tel celui contre le Sars-CoV-2, ne peut être adapté aux plantes. Leur système immunitaire est trop différent du nôtre. Pourtant, un mécanisme impliquant d’autres types d’ARN pourrait bien mener à une révolution agricole ! Pour combattre les virus, les végétaux ne produisent pas d’anticorps. Leurs cellules sont capables de démasquer tout ARN étranger et d’en détourner une partie pour en faire des copies complémentaires, capables de former un ARN double brin. Cet alliage, perçu comme une anomalie, est aussitôt mis en pièces. Or les débris d’ARN double brin ainsi formés sont redoutables ! Capables de circuler du lieu de l’infection vers les parties saines de la plante, ils vont s’attacher à des protéines et les guider vers l’ARN étranger pour l’éradiquer. « Dès lors, c’est le même principe qu’avec les anticorps. Une plante qui a été infectée par un virus et qui s’en est sortie en fabriquant des petits ARN est immunisée contre celui-ci, explique Hervé Vaucheret, directeur de recherche à l’Inrae. On peut donc envisager de vacciner une plante en lui faisant produire préalablement ces petits fragments grâce à l’administration de molécules d’ARN, non pas messager mais double brin. » Et ce n’est pas tout ! Ce mécanisme pourrait aussi être utilisé pour lutter contre les nuisibles. Cette fois, il s’agit d’apporter à la plante des petits fragments d’ARN qui, ingérés par l’agresseur, seront capables d’inactiver chez lui un gène codant pour une fonction vitale. Imaginant des sprays à ARN, les industriels y voient une planche de salut face à la défiance suscitée par les pesticides et les OGM. « Mais comment savoir si la molécule en question, aussi spécifique soit-elle, ne va pas être ingérée par d’autres espèces ? Le génome de l’homme étant connu, il est facile de s’assurer que ces petits ARN ne présentent pas de danger pour la consommation humaine. En revanche, la démonstration de l’innocuité du procédé du point de vue de la biodiversité et de l’environnement reste encore à faire. » Délicat… ■