Catastrophique !
Sacré catalogue de calamités que publient les Belles Lettres dans leur collection d’anthologie « Signets ». Déluges, typhons, éruptions volcaniques, épidémies : rien ne fut épargné aux Anciens. On connaît les caprices du Vésuve, qui cracha tellement de cendres sur Herculanum et Pompéi que, nous rappelle l’historien byzantin Jean Zonaras, « les poissons et les oiseaux périrent ». Mais voyez aussi Sparte en 464 avant J.-C. ! Ravagée par un tremblement de terre qui causa la mort de 20 000 habitants, puis menacée par les Hilotes et les Messéniens qui, galvanisés par cette faiblesse soudaine, se lancèrent à l’assaut des survivants… Voyez enfin la mythique Atlantide, qui « s’abîma dans la mer et disparut », dixit Platon, ou l’île de Cos, bien réelle celle-là, ravagée par un tsunami en 558,
« de sorte qu’on ne pouvait plus reconnaître les emplacements des rues », pleines d’« hommes, hagards et abattus, et comme complètement indifférents à leur propre vie ». Pas réjouissant, certes, mais consolateur peut-être, quand on arrive au chapitre des maladies… Peste d’Athènes (430-426 avant J.-C.), peste dite antonine (165), peste dite de Cyprien (249-262), peste dite de Justinien (541-543), dont les descriptions de la « parenthèse de détresse où l’existant cesse d’exister », selon les mots de Jean-Louis Poirier qui a rassemblé ces textes, nous renvoient à notre propre parenthèse covidienne. Nous ne sommes pas seuls ! Autant de calamités dont certaines sont prévisibles, et pas seulement en observant le vol des oiseaux. Comme le note, dans la préface, l’historienne de la sismicité (sic) Emanuela Guidoboni.
« Dans le présent, il y a beaucoup de traces du passé, mais il y a aussi beaucoup de traces de l’avenir, pour peu que nous voulions les voir. Nous avons, par exemple, les moyens technologiques de savoir à tout instant où et quand se produisent des événements naturels catastrophiques, mais nous n’avons pas une culture de l’avenir qui nous pousserait à améliorer vraiment les réponses sociales apportées aux catastrophes naturelles. » À nous de jouer. Gouverner c’est prévoir, comme disait l’autre
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L’Antiquité en détresse, de Jean-Louis Poirier (Les Belles Lettres, 304 p., 15 €).
Jouissifs. Les dix dessins animés d’éducation sexuelle qu’Arte diffuse sur sa plateforme Internet ont de quoi réjouir. Plutôt que de dispenser des conseils sur la meilleure manière de booster sa libido, la websérie Libres ! cosignée par Ovidie et Sophie-Marie Larrouy s’amuse en effet à dynamiter les tabous liés aux plaisirs de la chair. Questionnant sur un ton sentencieux (mais jamais moralisateur ni culpabilisant) les stéréotypes qui régissent notre intimité, ces petits films
– de quatre minutes chacun – déconstruisent avec intelligence la manière dont ont été établis le culte de la virilité et la définition de l’idéal féminin. L’objectif des scénaristes n’est pas tant de permettre aux spectateurs d’atteindre le nirvana que de leur donner les moyens de se libérer des diktats de notre époque. « Si nous voulons cesser d’obéir bêtement aux normes qui nous sont imposées depuis des siècles, en matière de sexe, nous devons d’abord comprendre d’où elles viennent », énonce Ovidie. Laquelle, après un bref passage dans le monde du cinéma X, conduit désormais une double carrière de documentariste et d’enseignante à l’université de Limoges. Son discours politique ne se veut pas polémique. Il n’en demeure pas moins piquant
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Libres ! d’Ovidie et de Sophie-Marie Larrouy. Sur Arte.tv.