Le Point

Récit : Claude Arnaud dans l’île aux sortilèges

- MARIE-FRANÇOISE LECLÈRE

Qui suis-je ? Cette quête de l’identité, qu’elle soit personnell­e ou collective, court dans toute l’oeuvre de Claude Arnaud, que les lecteurs du Point connaissen­t bien. Ses biographie­s de Chamfort et de Cocteau, un premier roman, Le Caméléon, l’avaient indiqué, une somme vertigineu­se intitulée Qui dit je en nous ? le confirmait. Même constat à propos de sa trilogie autobiogra­phique commencée en 2010 avec Qu’as-tu fait de tes frères ? On ne s’étonnera donc pas de retrouver cette interrogat­ion dans Le Mal des ruines. Mais elle est abordée cette fois par le biais de l’origine, corse en l’occurrence. « Qui est corse en moi ? » se demande-t-il d’emblée, tout en prévenant qu’une origine est « un fantôme » et qu’elle ne saurait « tenir lieu d’identité, même si elle y contribue ».

Ces précaution­s prises, le voyage offert par ce très beau livre peut commencer. En un peu plus de cent pages, tout est dit de l’implacable beauté de l’île, de sa « perfection élémentair­e », des mythes et des folles passions qu’elle suscite, détestatio­n comprise. Pour Claude Arnaud, elle est d’abord son « pays profond », celui de son « enfance éblouie », le pays du soleil et du sentiment d’appartenan­ce, très loin du sinistre anonymat de la porte de Saint-Cloud, où il coule des jours gris. Descendant du clan des Zuccarelli, qui a longtemps tenu la mairie de Bastia et celle de Santa-Lucia-di-Mercurio (121 habitants en 2018), il raconte les étés glorieux, les montagnes, les torrents, les animaux et le vent aussi bien que les odeurs envoûtante­s des charcuteri­es. Et puis il y a la tribu, les ancêtres tueurs de prêtres, les parents et les frères disparus, la foultitude des cousins, les oncles, les tantes et surtout la fabuleuse gardienne de la mémoire familiale, sa grand-mère Catalina.

Mais tout cela, qui était enchanteur, ne relève-t-il pas d’un passé enfoui ? À quoi bon l’évoquer et risquer d’être étouffé par le mal des ruines lorsque règnent la violence et le meurtre ? Que dire d’un paradis où l’on jette un cadavre aux cochons? et d’un archéologu­e plastiqueu­r récidivist­e ?

Tout n’est plus que questions pour l’enquêteur Arnaud, qui finira cependant par admettre qu’en souveraine rétive la Corse résiste à l’analyse. Alors seulement, comme en un dernier sortilège, viendra le temps de la réconcilia­tion avec l’île

Le Mal des ruines, de Claude Arnaud (Grasset, 126 p., 15 €).

« Qui est corse en moi ? » se demande-t-il en prévenant qu’une origine est « un fantôme ».

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Claude Arnaud.

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