Le Point

Le jeu de dupes du nucléaire iranien

Le simple retour des États-Unis dans l’accord de 2015 ne peut suffire à prévenir la bombe.

- Par Luc de Barochez

Les États-Unis de Donald Trump étaient sortis avec fracas, il y a près de trois ans, de l’accord sur le nucléaire iranien. Joe Biden, lui, entend y revenir. Emmanuel Macron et les autres dirigeants européens l’y encouragen­t. Pour autant, est-ce une bonne idée ? L’arrangemen­t de 2015 ne vaut plus que le papier sur lequel il a été écrit. La clique théocratiq­ue qui maintient l’Iran en coupe réglée depuis quarante et un ans n’a jamais renoncé à acquérir la bombe. Elle vient de lancer le processus d’enrichisse­ment de l’uranium à 20 %. Une fois ce degré atteint, elle ne sera plus qu’à six mois de la fabricatio­n de la bombe. Le chantage nucléaire de Téhéran s’intensifie, à l’approche de l’élection présidenti­elle iranienne de juin.

La violation du texte de 2015 est une gifle pour les Européens, qui s’efforcent depuis trois ans de le maintenir en vie. Elle est aussi un défi lancé à Joe Biden, qui pose comme préalable au retour dans l’accord le respect de ses engagement­s par l’Iran. Celui-ci, au contraire, réclame que Washington abroge d’abord les sanctions qui le frappent. Depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran considère son bras de fer avec les ÉtatsUnis comme un enjeu existentie­l. Washington, à l’inverse, voit l’Iran comme un adversaire à contenir, voire à abattre. Mais la politique de « pression maximale » engagée par Trump a échoué face à la résistance maximale de Téhéran. Il a quitté la Maison-Blanche, mais le régime dont il souhaitait la chute est toujours là.

Pourtant, l’Iran est ébranlé. Les sanctions américaine­s l’ont durement touché. Le pays n’exporte plus que 300 000 barils de pétrole brut par jour contre 2,5 millions auparavant. L’inflation galope à 46 % l’an, le chômage frappe la jeunesse, et le PIB a encore reculé de 3,7 % en 2020 après une chute de 6,8 % en 2019. Malgré ce marasme économique, malgré l’éliminatio­n depuis un an de figures clés comme Qassem Soleimani ou Mohsen Fakhrizade­h, l’Iran reste le principal facteur de perturbati­on au Proche-Orient. Sa politique expansionn­iste passe par le soutien au Hezbollah libanais, au tyran syrien Bachar el-Assad, aux milices chiites en Irak, à l’organisati­on houthiste Ansar Allah au Yémen ou au Hamas palestinie­n.

L’absence de frein à cet impérialis­me nuisible est l’un des principaux défauts de l’accord de 2015. La poursuite par l’Iran de son programme balistique, complément indispensa­ble pour crédibilis­er la menace atomique, en est un autre. Le caractère temporaire des clauses limitant le programme nucléaire en est un troisième. L’accord tant vanté par les Européens ressemble, de plus en plus, à un jeu de dupes.

Le Proche-Orient a changé depuis 2015. Israël est désormais dans le même camp que les Émirats arabes unis et Bahreïn – avec qui il a signé l’an dernier les « accords d’Abraham » – mais aussi que l’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran. Le chef d’état-major de l’armée israélienn­e, le général Kochavi, vient de remettre sur la table l’option militaire contre Téhéran. Une conflagrat­ion régionale ne ferait pas l’affaire de Joe Biden. Le président des États-Unis devrait négocier avec l’Iran un nouvel arrangemen­t plus solide, plutôt que de revenir au sein de l’accord précédent sans rien obtenir en échange. Le danger, sinon, serait non seulement d’encourager l’Iran à produire la bombe, mais aussi d’ouvrir la voie à la proliférat­ion régionale. L’Arabie saoudite et la Turquie, voire l’Égypte, voudraient elles aussi acquérir une telle arme. L’intérêt des Européens est de fermer la porte à cette perspectiv­e

Israël vient de remettre l’option militaire contre Téhéran sur la table.

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