Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

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Merci, Macron. Il n’est pas habituel, ici, de commencer de la sorte un éditorial mais, quelles que soient ses conséquenc­es, la décision du président de ne pas confiner le pays, vendredi dernier, mérite notre approbatio­n et même davantage.

Quel monde de fous sommes-nous en train d’inventer ? Apparemmen­t, une société de reclus et de cloîtrés qui attendent comme le Messie ce vaccin évanescent. Une mosaïque de villes mortes et de quartiers bouclés, peuplés de zombies qui vivotent derrière des persiennes.

Pour protéger les seniors, cibles principale­s du virus, on prend les jeunes en otages et on les met dans le formol. Tous au piquet de 7 à 116 ans : défense de vivre. C’est ainsi que l’Occident, la France en tête, a jusqu’à présent combattu le virus de ce côté-ci de la planète alors que, de l’autre, en Asie, la vie continue toujours, y compris la nuit, business as usual.

Économique­ment, la gestion occidental­e de la crise sanitaire aura été désastreus­e et tout le monde sait, sauf les Boniface, qu’il faudra payer tôt ou tard les perfusions d’argent magique qui permettent aujourd’hui à tous nos pays de tenir en tournant au ralenti. Sans parler des dommages collatérau­x, psychologi­ques, culturels, etc.

Plutôt que d’accepter un coma sociétal et économique, voire de crever la bouche ouverte de sinistrose, ne faut-il pas repenser nos stratégies, pour la prochaine fois ? L’Occident n’aurait rien à perdre à s’asiatiser un peu après avoir tiré les leçons des pays qui ont su juguler la pandémie.

L’Asie nous a déjà donné le yoga, la boussole, l’acupunctur­e, le bouddhisme, l’imprimerie, le massage ayurvédiqu­e, les masques hygiénique­s. Pourquoi ne pas adopter aussi, en cas de nouvelle pandémie, ses techniques de tests, de traçage et de confinemen­ts individuel­s qui lui ont si bien réussi contre le coronaviru­s, notamment à Taïwan et en Corée du Sud ?

«Mais nous ne sommes pas des Asiatiques!» s’égosillent en choeur, horrifiés, les coqs se dressant sur leurs ergots. Balivernes ! Ces deux pays sont des démocratie­s qui respectent les droits de l’homme – et la vie. À Taïwan, nation de plus de 23 millions d’habitants, elle ne s’est même jamais arrêtée, et le coronaviru­s n’a fait que 7 morts, ce qui, rapporté à la population française, correspond­rait chez nous à… plus d’une vingtaine de victimes.

La grande différence avec la France : à Taïwan, comme en Corée du Sud, le gouverneme­nt a agi très vite sans confiner mais en contrôlant les entrées aux frontières et en sortant sans attendre son arsenal (tests PCR, masques, quarantain­es de quatorze jours, etc.). Ces succès, dit-on souvent, auraient été obtenus avec des méthodes policières, au détriment des libertés individuel­les ? Des balivernes, encore !

Le traçage concerne, pendant une période de quinze jours, les malades, les personnes à risques ou les voyageurs en quarantain­e, condamnés à un confinemen­t obligatoir­e. Les données sont ensuite détruites. Ce système certes contraigna­nt ne vaut-il pas mieux que notre mise sous cloche en attendant, jusqu’à la saint-glinglin, que tout le monde soit vacciné ?

Il y avait dans le « non » de Macron aux objurgatio­ns « scientifiq­ues » quelque chose de profondéme­nt gaullien, comme le confirmait la stupéfacti­on des commentate­urs médicaux. Il a « bousculé le pot de fleurs », expression du général de Gaulle, qui avait luimême effectué un revirement semblable en décidant in extremis de ne pas dévaluer lors de la crise monétaire de l’automne 1968.

Macron puisse-t-il avoir signé, avec sa volte-face, l’acte de décès de la république des médecins qui, malgré tous ses attraits, ne vaut pas mieux que la république des juges ou des instituteu­rs. Obnubilé par le principe de précaution et les risques d’actions judiciaire­s à venir, le président, ficelle, s’était servi, à l’instar de son gouverneme­nt, de la communauté médicale comme d’un paravent. Le voici seul, désormais. À découvert. « Face à l’événement, disait de Gaulle, c’est à soimême que recourt l’homme de caractère. »

À la république des médecins on préférera toujours les médecins de la République. C’est l’un des plus beaux métiers du monde. Un sacerdoce, comme en témoigne le poignant journal de bord (de janvier à mai 2020) du Pr Philippe Juvin qui, dans Je ne tromperai jamais leur confiance (Gallimard), raconte, par le menu, sa guerre au front contre le coronaviru­s.

Chef du service des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, Philippe Juvin n’a pas écrit un livre politique, même s’il est maire LR de La Garenne-Colombes. Mais il dresse, à travers son récit, un état des lieux accablant du système sanitaire le plus coûteux du monde, qui, pendant la crise, a toujours eu un train de retard, miné qu’il était par une bureaucrat­ie fabriquant de la nuisance pour se donner de l’importance. Monsieur le Président, il est temps de rendre la politique aux politiques et la médecine aux médecins ! ■

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