Le commissaire Bayrou a-t-il un plan ?
Dette, nucléaire, médicaments essentiels… Le patron du MoDem planche sur la France des prochaines décennies. Non sans arrière-pensées.
La macronie n’avait pas vu venir le coup. Ce 26 janvier, alors que la rumeur d’un reconfinement enfle, l’allié François Bayrou, qui observait la crise en surplomb depuis l’orbite du haut-commissariat au Plan, décide subitement d’une plongée sur Terre en piqué, habillé de sa cape de patron du MoDem. Son urgence ? La proportionnelle, qu’Emmanuel Macron lui avait promise en échange de son ralliement en 2017 et que l’exécutif se prépare à enterrer. « Pourquoi ne pas demander aux Français ce qu’ils en pensent par référendum ? » assène Bayrou. En deux interviews, l’opiniâtre propulse le débat sur le devant de la scène. « Highlander est de retour », sourit l’une de ses proches, rassurée de le voir à nouveau combatif après le décès, le 13 janvier, de son « âme soeur » et compagne de toujours en politique, Marielle de Sarnez.
Dans la maison LREM, ceux qui imaginaient le nouveau haut-commissaire assagi par le titre ronflant offert « pour le consoler », pensaient-ils, de son éviction rapide du gouvernement en juin 2017 à cause de l’enquête sur les assistants d’eurodéputés du MoDem, commencent à percevoir qu’ils ont peut-être commis une erreur de jugement. Erreur politique, d’abord : LREM caresse depuis longtemps l’idée de vampiriser les structures locales du MoDem en rassemblant tout le monde dans une maison commune, avec bureaux exécutifs et commissions d’investitures partagés. Or tout est bloqué depuis quatre mois. « Il ne tient qu’à eux de revoir leur position sur la proportionnelle », glisse-t-on dans l’entourage du patron du MoDem. L’ancien « faiseur de roi », fort d’un groupe de 58 députés, reste incontournable. Erreur stratégique, ensuite : un haut-commissariat au Plan peut aussi servir de formidable tribune politique. Perplexe, un ponte de la majorité a ce commentaire : « Je le note pour les mois qui viennent : ne jamais sous-estimer le potentiel de nuisance de l’immortel du Béarn. » Nuisance… Question de point de vue, cela va sans dire.
Il en rêvait. Il a investi midécembre un bureau lumineux au second étage du charmant hôtel Beistegui, dans le 7e arrondissement de Paris, offrant une vue splendide sur l’esplanade des Invalides. De là, François Bayrou, 70 ans en mai, s’attelle à dessiner les plans de l’administration ressuscitée pour lui. Il embrasse sa mission avec un idéalisme de jeune militant. « La question du long terme n’est jamais présente dans la conduite du pays, répète-t-il inlassablement aux députés, sénateurs, membres du Conseil économique, social et environnemental, visiteurs ou journalistes qui l’interrogent sur sa mission. Les Chinois raisonnent à trente ans. Chez nous, depuis des décennies, on a l’impression que c’est à trente jours, et encore… » Le Plan, il en rêvait, promettant en ■
« Les Chinois raisonnent à trente ans. Chez nous, depuis des décennies, on a l’impression que c’est à trente jours, et encore… » François Bayrou