Roman : Michel Bussi défie le temps
Dans Rien ne t’efface, l’écrivain à succès nous emmène sur les chemins de la réincarnation.
Bussi l’universitaire de pointe, le géographe rouennais spécialiste des cartes électorales, directeur d’un laboratoire au CNRS, s’est jeté dans le polar en 2006 avec un excellent bouquin, une intrigue policière normande, pleine d’anagrammes planqués dans les méandres de la Seine : Code Lupin. Netflix est passé à côté, c’est dommage, mais pas nous. Depuis, on suit Michel Bussi partout… de Giverny, dans Les Nymphéas noirs, aux îles Marquises, dans Au soleil redouté (qui paraît cette semaine en format poche chez Pocket). On embraye cette fois vers le Pays basque. Avec un titre judicieux – malicieusement pompé sur les paroles d’une chanson de Jean-Jacques Goldman, Rien ne t’efface –, nous voilà à la plage, à Saint-Jean-de
Luz, où le petit Esteban Libéri disparaît. Maddi, maman solo, qui vivait un peu (beaucoup) en couple avec son fils, est certaine qu’il ne s’est pas noyé. Elle lui avait interdit de se baigner en ce jour de grosses vagues, et « Esteban ne désobéit jamais ». Lorsque dix ans plus tard elle tombe, à la plage, sur un petit garçon pire que son portrait craché, inexplicablement et vraiment « lui », l’obsession l’emporte sur la raison. Elle déménage son cabinet de médecin généraliste d’Étretat (Lupin toujours) à Murol, en Auvergne – les souvenirs de vacances de Bussi gamin –, pour approcher l’enfant, Tom Fontaine. On va « du pays des falaises à celui des volcans », lit-on, à la recherche d’une certitude : la tache de naissance du petit. Preuve qui vient (oui, on «spoile» un peu!), mais suivie d’un twist, bien sûr. Qui tourne autour de la relation mère-fils – le fils presque homme ou homme de substitution. La « relation fusionnelle » de la prime enfance, nous dit le romancier, qui devient « l’histoire d’un couple qui se sépare » au fur et à mesure que l’enfant grandit. Bussi, étonnamment, n’est pas parti de l’idée d’un meurtre ou d’une disparition d’enfant, mais d’une situation impossible, celle d’une mère revoyant son enfant à l’âge qu’il avait dix ans plus tôt. Il y a un peu de syndrome du nid vide, nouvelle facette de la nostalgie de l’enfance, si chère à Bussi. Mais il est aussi question de réincarnation. Par le biais des personnages de Nectaire Paturin, Savine Laroche, Martin Sainfoin, Michel Bussi joue les Paco Rabanne. Combien de vies pensent avoir ces gens-là, ceux qui ne courent pas (comme lui) après le temps tout le temps ?
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Rien ne t’efface, de Michel Bussi (Presses de la Cité, 456 p., 21,90 €).
Extrait. « Les doigts tremblants, je tape sur le minuscule clavier. Tache de naissance… Réincarnation. (…) Sur mon Samsung s’affichent des dizaines de sites, plus de cent entrées, s’ouvrant le plus souvent sur de longs développements. (…) Je me mords les lèvres, incapable d’empêcher mes yeux de lire la suite, d’affronter la vérité. Les marques correspondent à l’emplacement d’une ancienne blessure. Elles sont le signe que celui qui s’est réincarné… est décédé… d’une mort violente. »
(Michel Bussi, « Rien ne t’efface »)