La Minute antique de Christophe Ono-dit-Biot : Andromède et les boomers
ANDROMÈDE ET LES BOOMERS. Connaissez-vous l’histoire d’Andromède ? Une jeune fille en détresse, dans la mythologie. Enchaînée à un rocher par son propre père, le roi Céphée, pour être livrée à un monstre. Une calamité s’est abattue sur le royaume et il faut apaiser la colère des dieux par la mort de la nouvelle génération incarnée par Andromède. Cette histoire, en ce moment, on a l’impression de la voir se jouer sous nos yeux. Dans le rôle d’Andromède, une étudiante. Dans le rôle de ses parents, les représentants des générations précédentes, plutôt silencieux sur ses souffrances. Et qu’on ne leur parle pas de « confinement ciblé », ce serait « discriminatoire ». Dans le rôle du monstre, le Covid-19 (dont Andromède paie le prix fort, alors qu’elle ne risque pas grand-chose), mais surtout ses conséquences, qui la toucheront de plein fouet : poids de la dette, dépression, chômage. Bien sûr, dans la vraie vie, les parents aussi sont enchaînés, mais ils n’ont, eux, que le premier monstre à affronter. Dans la mythologie, Andromède est sauvée par le héros Persée, venu de très loin à la vitesse de l’éclair avec ses sandales ailées. Mais ça, c’était avant la fermeture des frontières…
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Trois romans de jeunesse, dont deux primés, en un volume – Les Hanches de Laetitia (1989), La Petite Française et Un bien fou. Mais quelle folie, quelle vanité de revenir en arrière ! Dans sa préface, Éric Neuhoff, ce « petit con » qui se voyait en Fitzgerald, s’en amuse avec cette fausse désinvolture, cet humour cash qui font son style. Tout est parti d’un pari avec Denis Tillinac : écrire un roman sur les hanches de Laetitia. Bravache, Neuhoff en profite pour raconter sa jeunesse de khâgneux (« tous lamentables au flipper ») du côté de Toulouse. On est dans les années 1970. Tout défile comme dans un film avec travellings, gros plans et flash-back. Le héros s’appelle Antoine (Doinel ?), se promet de lire Modiano et Balzac, aime Truffaut, Kubrick, Nicholson et les femmes. L’insouciance est de mise. Huit ans plus tard, le héros, devenu journaliste, monte à Paris. Il rêve de gloire littéraire et tombe amoureux de Bébé, aux faux airs d’Audrey Hepburn. Et ses nuits avec Maud ? Mieux vaudrait l’oublier, celle-là ! Pas très nette dans Un bien fou, tout comme ce « vieux salopard » de J.D. Salinger qui mérite bien cette lettre incendiaire. 500 pages pour rêver d’une belle époque et ressusciter sa jeunesse. De quoi oublier cet aphorisme « neuhoffien » : « Il faut être con pour lire les prix littéraires » ■
Les romans d’avant, d’Éric Neuhoff (Albin Michel), 480 p., 25 €.