Qui est Macron ? par Sébastien Le Fol
Cette pandémie du Covid-19 met à l’épreuve l’une des fondations les moins solides de la maison France : la confiance. Nos compatriotes n’ont pas confiance en leurs dirigeants ; ces derniers ne font pas confiance à leurs concitoyens. La genèse de cette « société de défiance » a été analysée par de brillantes plumes. À peu près tout ce qui fut écrit sur le sujet par Alain Peyrefitte, André Zylberberg, Pierre Cahuc et Yann Algan dans les années 1990 se vérifie dans la France de 2021. Le centralisme et le corporatisme, piliers de notre modèle social, tendent les relations, nourrissent la suspicion mutuelle, favorisent la recherche de rentes. Cette défiance est si ancrée dans nos comportements que la confiance en devient suspecte. D’où l’étonnement de nombre de commentateurs après la décision d’Emmanuel Macron de ne pas reconfiner les Français. Alors que tous les
Knock de l’administration et de son gouvernement voulaient renvoyer tout le monde à la maison. Le président a, certes, pris sa décision sur la foi d’indications sanitaires et économiques, mais il a « fait le pari de la “confiance” et de la “responsabilité” des Français »*. Notons, au passage, la subtilité sémantique si révélatrice : en France, on n’accorde pas sa confiance, on « fait le pari de la “confiance” ». Même si ce choix devait être infirmé, il nous rassure un peu. Ce ne sont ni les médecins ni les bureaucrates qui décident de la politique du pays. Mais ne nous emballons pas, c’est encore un homme, seul, qui délivre les bons de sortie. « C’est avec des actes de ce genre qu’Emmanuel Macron est différent des autres. Quand il décide seul contre le système. Quand il s’arrache à sa formation, à son cabinet, à la machine maternante », a twitté Mathieu Laine, le très macronien auteur de Infantilisation (Presses de la Cité). Qui est Macron ? Un déconfineur ou un confineur ? Un homme du « nouveau monde » ou le dernier représentant de « l’ancien » ? Nous ne le savons pas encore. Pourtant, Macron n’a jamais dissimulé ses ambitions et ses détestations. Il veut lutter contre les rentes de situation et gouverner pour ouvrir la société. Mais, comme le souligne Guy Sorman dans son Dictionnaire du bullshit (Grasset), « rarement président fut aussi peu clair sur la manière de passer du contre au pour : il marche sans trouver le droit chemin ». Si les chiffres des contaminations devaient s’affoler, il se trouvera des Cassandre pour lui reprocher d’avoir fait confiance aux Français. Macron, même s’il doit reconfiner le pays, aurait tort de retourner une nouvelle fois sa veste d’Arlequin
■ Dans Le Journal du dimanche du 31 janvier.