Le Point

Publier ses erreurs, une obligation

- JÉRÔME VINCENT

SANTÉ Quand un patient ou un profession­nel déclare en ligne un événement sanitaire indésirabl­e (1), la première question est de savoir quel est le traitement mis en cause. Il n’y a pas que les médicament­s qui peuvent engendrer des effets secondaire­s. Les opérations aussi, comme le raconte le Pr Éric Vibert dans un livre original et sincère (2). Ce chirurgien digestif, greffeur au centre hépato-biliaire de l’hôpital PaulBrouss­e, à Villejuif (réputé dans le monde entier), affirme – difficile de le contredire – que « le bloc opératoire est une boîte noire et personne ne peut regarder dedans ». Et pourtant, il s’y commet des erreurs. Parfois très graves. Toujours cachées. C’est après en avoir accompli une belle il y a six ans, sans s’en rendre compte mais avec l’assentimen­t de son mentor, que ce ponte de la chirurgie a décidé qu’il fallait que cela change. « Tout le monde, dans [mon] milieu, gagnerait à connaître mon erreur. […] Mon collègue, sans quoi il continuera­it à la commettre […], mes “élèves”, sans quoi je faillirais à mon rôle d’enseignant. Je devais aussi, par honnêteté, en informer ma patiente. Bref, je devais communique­r mon erreur, la transmettr­e partout, à tout le monde si possible. Or ce n’est pas ainsi que l’on réagit face à l’erreur dans le domaine chirurgica­l. C’est même, en l’état actuel, contraire à la pratique. » Plus généraleme­nt, tous les soignants ont tendance à mettre leurs défaillanc­es sous le tapis, pour diverses raisons, en particulie­r parce que le réflexe actuel est de se précipiter pour rechercher le coupable, alors que la priorité devrait être de tout faire pour que cela ne se reproduise pas. « Dans l’aviation civile, l’erreur est au coeur de nombreux dispositif­s. Pas en chirurgie », déplore le Pr Vibert. Ni dans aucune activité de soins, peut-on ajouter. Ce grand profession­nel propose deux avancées : filmer les opérations et publier les erreurs. « C’est à l’heure actuelle le meilleur moyen de faire encore progresser la médecine, la chirurgie et, avec elles, l’espérance de vie en bonne santé de tout le monde », affirme-t-il

1. signalemen­t.social-sante.gouv.fr. 2. Droit à l’erreur, devoir de transparen­ce (Éd. de l’Observatoi­re, 208 p., 18 €).

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