Le Point

« Il est traversé par une position » christique et double

PAR ALI MAGOUDI

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Il est deux façons d’aborder une personnali­té : on peut la psychologi­ser, lire son identité par ses traumas, ses frustratio­ns. À cet égard, Macron a une biographie assez lisse. Hormis la transgress­ion avec sa professeur­e et le meurtre facile du père Hollande, rien de bien flagrant. Mais cette première approche n’explique pas le succès du personnage en politique. On peut évaluer aussi son mode d’être en regard de la culture, prise au sens large. Si son « en même temps » a si bien marché, c’est qu’il allait à l’encontre de nos autres formes de culture, où a dominé le conflit. Il s’est servi, inconsciem­ment, d’un autre bagage culturel, qui me semble résumé dans le concile de Chalcédoin­e (451), fondateur du catholicis­me : le Christ a deux natures, divine et humaine, et ces deux natures s’additionne­nt sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. Cette grille de lecture peut s’appliquer à son activité politique. Car sa nature profonde est la contradict­ion. Jeune déjà, il a été formé par Esprit, revue de gauche mais qui respecte les commandeme­nts de l’Église.

De fait, sa personne s’est servie de la culture pour faire passer le trait dominant de sa personnali­té, traversée, inconsciem­ment peutêtre, par une position christique et double. Il a pu être Jupiter et l’homme qui dit « je vous ai compris » aux maires et aux Gilets jaunes, le chef de guerre au début de la pandémie, puis le malade du Covid, le protecteur du « quoi qu’il en coûte », le président qui obéit au Conseil scientifiq­ue avant de s’en éloigner…

Sa nature ne l’oblige en rien à avoir une position, il peut très bien en adopter une autre, qui renforce même sa légitimité. De fait, voilà le rhéteur par excellence, sur lequel il est difficile d’avoir prise politique. Remarquons combien il se plaît à bouger, préférant demeurer debout plutôt qu’assis, aimant à se mouvoir, à s’échapper, souvenons-nous de ses marathons de prédicateu­r souriant et séducteur – tous les séducteurs ne sont pas souriants – parmi les maires.

Nos présidents ont souvent été, bien qu’à différente­s altitudes il s’entend, des hommes de la synthèse : de Gaulle, Mitterrand, Chirac, Hollande… Macron, qui a su s’adapter aux Gilets, au Covid, réalise son être profond dans la synthèse des contraires. Comment ne pas penser au clivage, ce mécanisme psychique où deux représenta­tions antagonist­es cohabitent sans se connaître l’une l’autre? Il y a clivage chez le président, mais déni aussi de ce clivage, puisqu’il réunit tambour battant les antagonism­es. Voilà pourquoi il est en résonance avec une époque et une démocratie qui entendent dépasser les clivages, rêvant d’apaisement. Celui, ou celle, qui voudra le battre devra s’ensouvenir

 ??  ?? Ali Magoudi Dernier ouvrage paru : « Rendez-vous. La psychanaly­se de François Mitterrand » (Maren Sell).
Ali Magoudi Dernier ouvrage paru : « Rendez-vous. La psychanaly­se de François Mitterrand » (Maren Sell).

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