Capturer le CO2… directement dans l’air
Pourquoi ne pas filtrer l’air pour en retirer le dioxyde de carbone ? La réponse semble évidente. « Nous avons attendu si longtemps pour limiter nos émissions que nous sommes désormais sûrs que nous serons obligés de retirer du CO2 de l’atmosphère à l’avenir, quels que soient les efforts que nous ferons ces prochaines années », explique Jennifer Wilcox, physicienne américaine qui a théorisé la capture et la séquestration du carbone en 2012 dans son livre, Carbon Capture. « Mais il ne faut pas pour autant relâcher nos efforts sur la réduction immédiate de nos émissions ! La capture dans l’atmosphère est si chère et si complexe qu’elle pourra seulement compenser les quelques pourcents des émissions actuelles dont nous ne pourrons pas nous passer, assure la scientifique, que Joe Biden a nommée dans l’équipe dirigeante du département américain de l’Énergie. Il est beaucoup moins coûteux d’éviter aujourd’hui d’émettre le carbone que de le capturer demain dans l’atmosphère. » Le CO2 est présent dans l’air à environ 0,04 %, alors qu’il est concentré à 12 % à la sortie d’une cheminée de centrale électrique au charbon. Il est alors bien plus facile et bon marché de le filtrer : de 70 à 100 dollars la tonne, contre 1 000 dollars la tonne capturée directement dans l’atmosphère. La firme suisse Climeworks espère abaisser ce coût à 600 dollars, mais ce n’est pas gagné… « La capture du carbone dans l’air, c’est de la sciencefiction ! » s’emporte quant à lui François Chartier. Pour le chargé de campagne océans et pétrole à Greenpeace France, ces technologies ne seront pas prêtes assez vite pour éviter un désastre climatique. Un avis partagé par Thomas Gourdon, du service industrie de l’Agence de la transition écologique :
« La capture directe dans l’air ne semble ni mature ni opportune, alors que les industries lourdes disposent de leviers de décarbonation efficaces s’ils sont menés avec ambition. » La Commission européenne est sur la même ligne et finance surtout des projets liés à l’industrie. Son fonds d’innovation devrait distribuer 10 milliards d’euros sur dix ans dans l’espoir de déclencher des « ruptures technologiques à grande échelle » sur le carbone et l’énergie. « Il faut aussi penser au problème du stockage du CO , 2 ajoute-t-on à Greenpeace, car on sait qu’il augmente l’acidité des océans. Il ne faudrait pas créer une bombe à retardement écologique en enfouissant sous terre des millions de tonnes de carbone. » ■