Esprit de promo, es-tu là ?
Les campus virtuels, florissants en temps de Covid, misent sur le lien social, indispensable à tout cursus.
C’est une île virtuelle où se croisent des avatars à lunettes, cravate, tongs ou bonnet de Noël. Ils se serrent la main, conversent, échangent quelques « dribbles » et pas de danse. Nous ne sommes pas dans l’univers d’un jeu de simulation façon Les Sims, mais bien sur le campus virtuel d’une école confinée, celui de Neoma Business School.
Au centre de cet ersatz de vie sociale, un immeuble au design futuriste accueille les cours de ses trois campus (Paris, Reims, Rouen). Il compte un amphithéâtre, cinq salles de classe et près de quatrevingts espaces de « coworking » où, munis d’une webcam, les professeurs « avatarisés » dispensent ateliers et cours magistraux.
« Il suffit d’utiliser les touches directionnelles pour se déplacer. Ce sont les bases du jeu vidéo. Pour ma génération qui a grandi avec, rien de sorcier ! » sourit Grégoire Gloriod, étudiant de deuxième année du programme grande école, alors qu’il salue, dans une bulle façon bande dessinée, l’un des 3 000 étudiants fréquentant la plateforme (30 % des effectifs). « Ici, on peut discuter, rire et même se créer des souvenirs avec ses camarades de promo. »
Il faut dire que l’univers pixélisé – doté d’un terrain de football et d’une plage de sable fin – est pensé pour. « Donner aux étudiants l’envie de se retrouver et favoriser la spontanéité des échanges, maintenir un esprit de promotion : c’est la raison d’être de ce campus virtuel », précise Alain Goudey, directeur de la transformation digitale de Neoma – qui ambitionne de faire de ce dispositif le « quatrième campus » de l’école, où se réuniraient tous les étudiants en dépit de la distance physique.
Car le sentiment d’appartenance est essentiel dans les écoles de commerce. « L’esprit de promotion forge des amitiés et de nombreux
contacts. Au-delà de l’enjeu du réseau, il suscite l’émulation et se révèle aussi pédagogique. Il est plus indispensable que jamais dans la période actuelle ! » explique-t-il, alors qu’il arpente l’amphithéâtre où discute une poignée d’étudiants en pause.
Comme c’est le cas en présentiel, c’est encore en dehors des temps de cours que réellement cet esprit de promo se construit. Et les professeurs de l’école, qui laissent les avatars de leurs étudiants tchater, diffuser des vidéos YouTube sur l’écran partagé et même « danser », dans ces moments de flottement, le savent.
« Maintenir l’ambiance d’une promotion, sa cohésion, passe aussi par ce qui peut apparaître pour des détails », assure Juliet Armand, membre de l’équipe de l’innovation pédagogique de Rennes School of Business – où l’on emploie l’application de communication Teams et le dispositif audiovisuel eLive et prend également soin de laisser caméras et micros ouverts durant les pauses pour favoriser la discussion.
Et les professeurs aussi concourent à cette harmonie. « Ils sont encouragés à échanger avec les élèves, à les interpeller et à réfléchir à des activités, comme les travaux de groupe, où l’interaction est de mise », explique Olivier Lamirault, directeur des technologies éducatives de l’EM Normandie. Dans cette école, les cours sont dispensés sur l’application Zoom et 110 salles sont équipées d’un dispositif audiovisuel « Flex Room ».
Tournois de poker. Reste à forger l’« esprit de promotion », compliqué à mettre en place dans un monde virtuel. Conscientes de l’enjeu social soulevé par les occasions manquées, les associations étudiantes rivalisent d’idées. À l’Edhec, 1 800 étudiants se sont inscrits au groupe Facebook de cours de sport (« Sport@home »), qui propose une trentaine de cours par semaine (yoga, méditation, karaté, fitness…) ou des concours de squats. « Ce plébiscite tient à ce que les étudiants veulent continuer à pratiquer une activité sportive et rester en contact avec leurs pairs. Le sport, c’est l’outil idéal pour fédérer les gens », assure Alexandre Caron, le directeur de la vie étudiante. Les autres écoles aussi multiplient les initiatives : création d’une radio étudiante en livestream à l’Inseec, concert live diffusé sur les réseaux sociaux sur le campus d’Excelia, ou encore tournoi de poker en ligne à Paris School of Business, où les étudiants dispensent aussi, via Instagram, des conseils vestimentaires pour le gala de fin d’année. Un événement phare du cursus, dont tous espèrent la tenue… en chair et en os
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« Favoriser la spontanéité des échanges : c’est la raison d’être de ce campus. » Alain Goudey, Neoma