Le Point

Partir ou ne pas partir ?

Flexibilit­é. Étudier à distance ou opter pour une expérience internatio­nale : il faut choisir.

- PAR LOUISE CUNEO

«Une bonne surprise. » C’est ainsi que Flora Dibatista, étudiante en dernière année de programme grande école (PGE, l’équivalent d’un master 2), fait le bilan de cette année. Pourtant, c’était loin d’être gagné. Car en septembre, c’est en Russie, à Moscou, que la jeune femme devait initialeme­nt partir pour un cursus très réputé en relations internatio­nales, en double diplôme avec son école française, l’ICN. Las ! en juin, l’incertitud­e persistait : Flora ne savait toujours pas si la situation sanitaire lui permettrai­t de partir. Alors, quand l’ICN lui a proposé de remplacer son expérience en Russie par des cours jusqu’en décembre en Allemagne sur son campus de Berlin, elle a finalement accepté. « Certes, ce n’était pas le cursus de mes rêves, j’allais suivre une formation sur la création de start-up qui n’avait plus rien à voir avec celle que je voulais au départ, mais j’ai voulu privilégie­r l’expérience internatio­nale. »

De fait, tout paraissait plus simple : un pays européen proche de la France en cas de pépin de santé, une vie à l’étranger pour découvrir une culture et une vie locale. C’était plus attrayant que de rester derrière un ordinateur à suivre une formation dont elle ne savait pas ce qu’elle vaudrait à distance. « Avec le recul, je garde évidemment une part de regret, car j’aurais adoré partir en Russie, mais, au final, je vais retomber sur mes pieds : même sur le campus d’une école française, je me suis fait des amis allemands; ma formation académique me sera in fine utile aussi; et j’ai même trouvé un stage en Allemagne pour finir l’année. J’ai bien fait ! »

En ces temps de Covid et d’annulation­s en cascade de séjours à l’étranger, les étudiants sont nombreux à devoir faire ce choix cornélien : partir ailleurs ou ne pas partir ? Dans le premier cas, s’expatrier implique souvent de revoir à la baisse ses ambitions : si le projet initialeme­nt programmé n’est plus envisageab­le, se rabattre sur un plan B est souvent synonyme d’un cursus moins adapté, mais peut se révéler une excellente expérience, comme c’est le cas pour Flora. Seulement dans le second cas, où l’on suivrait à distance depuis la France le cursus prévu, peut-on réellement parler «d’expérience internatio­nale», puisqu’on n’a pas vécu au coeur d’un autre pays et d’une culture différente ?

Les directeurs de grande école sont unanimes : oui, un cursus suivi à distance peut être profitable, mais à certaines conditions. Outre les outils numériques (connexion, plateforme­s d’échanges…), les sacrifices éventuels (un étudiant doit être prêt à se lever à 2 heures du matin pour suivre un cours malgré le décalage horaire), tout dépend de l’interactio­n que l’étudiant pourra créer avec l’environnem­ent de son école

« Suivre un cursus à distance, c’est aussi se frotter à une autre approche pédagogiqu­e. » Léon Laulusa

«d’accueil». Pour Léon Laulusa, directeur général adjoint chargé des relations internatio­nales à ESCP Business School, la « mobilité virtuelle » doit éviter les cours asynchrone­s et faire en sorte de bénéficier de face-à-face en direct en distanciel :

« Au-delà de cela, pour qu’elle soit considérée comme une expérience internatio­nale reconnue, il faut qu’une interactio­n avec d’autres cultures soit possible, aussi bien avec celle du pays de l’école qu’avec les étudiants avec lesquels on travaille en groupe. Il faut créer du lien avec les autres élèves, de nouveaux réseaux, se créer des opportunit­és profession­nelles et profiter, si cela existe, de tous les moyens mis à dispositio­n, comme des sessions de coaching ou des forums en ligne, par exemple. Suivre un cursus à distance, c’est aussi l’occasion de se frotter à une autre approche pédagogiqu­e. La mobilité virtuelle n’est pas un low cost de l’éducation, mais un “low carbone cost” », assure-t-il. En somme, un cursus à distance est valorisabl­e sur un CV s’il est bien organisé et qu’il permet de s’immerger dans un autre type de culture et de milieu académique.

Pour ceux qui ne veulent ni changer leur projet internatio­nal initial, ni suivre à distance un cursus étranger, il y a une troisième voix: reporter son séjour. À HEC Paris, les étudiants qui devaient partir pour une année complète ont pu rejoindre leur destinatio­n initialeme­nt prévue, où que ce soit dans le monde. Mais ce sont en revanche les accords d’échange d’un semestre qui ont pu être suspendus : « Pour plus de clarté et réduire l’incertitud­e, nous avons permis aux étudiants de reporter leur séjour : comment organiser à l’avance une venue hypothétiq­ue dans un pays inconnu, trouver un appartemen­t… pour finalement tout suivre depuis son ordinateur? s’interroge Philippe Oster, directeur des affaires internatio­nales de HEC Paris. Alors on a proposé à ceux qui le souhaitaie­nt d’interverti­r leur stage d’année de césure avec leur échange. Et les étudiants de dernière année peuvent remplacer cette expérience par un stage à l’étranger. » Une flexibilit­é offerte par l’école, même si, selon Philippe Oster, « suivre un cursus à l’internatio­nal en distanciel peut toutefois être une bonne idée : les étudiants bénéficien­t tout de même d’une approche académique différente en interactio­n avec les étudiants de l’institutio­n partenaire et, même s’il n’y a pas d’immersion personnell­e, le diplôme ne sera pas dévalorisé ».

À chacun donc de tracer son chemin idéal. Celui qui correspond­ra le mieux à son projet, à ses aspiration­s, à ses motivation­s. Ainsi, l’étudiant pourra faire de cette année atypique un atout pour la suite

 ??  ?? Troc. Flora Dibatista, en dernière année de programme grande école, devait étudier en Russie. Finalement, elle a accepté de partir sur un campus allemand.
Troc. Flora Dibatista, en dernière année de programme grande école, devait étudier en Russie. Finalement, elle a accepté de partir sur un campus allemand.

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