Le Point

Stage annulé ? Pensez aux plans B

Entreprene­uriat, apprentiss­age, service civique… Comment valider une expérience profession­nelle malgré la pandémie.

- PAR MARINE RICHARD

«Cette année, je devais cumuler deux stages de six mois en communicat­ion et dans l’événementi­el. Et je me retrouve presque sans rien. » Lorsque, en juin dernier, Shone Soltysiak, 22 ans, titulaire d’un master 1 à l’ICN, a appris que son stage dans un hôtel du Luxembourg était annulé, l’inquiétude l’a saisie. « La moitié de l’équipe permanente était au chômage partiel. Ils n’avaient pas de place pour une stagiaire. » La jeune femme passe alors deux mois à surveiller les annonces et à envoyer des CV. Mais c’est finalement grâce à LinkedIn qu’elle est contactée. Le musée d’Art moderne du Luxembourg a besoin de quelqu’un pour travailler sur le mécénat, les partenaria­ts et l’événementi­el. Le soulagemen­t est immense mais de courte durée, car son stage s’achève fin février. L’étudiante s’est donc quasi immédiatem­ent remise en quête d’un second contrat.

Shone n’est pas la seule dont les premiers rêves profession­nels ont volé en éclats. Les chiffres sont cruels : 36 % des étudiants français à la recherche d’un stage ont vu leur projet annulé ou décalé, d’après une étude réalisée auprès de 5 606 étudiants en octobre dernier par JobTeaser, une plateforme qui accompagne les jeunes dans leur orientatio­n.

Les étudiants en contrat d’apprentiss­age ont été plus chanceux : « En septembre 2020, on a eu quasiment le même nombre d’apprentis qu’en septembre 2019, à 5 contrats près », assure Sébastien Tran, directeur général de l’EMLV. La prime de l’État, de 8 000 euros pour l’embauche d’un apprenti majeur, a permis de maintenir le nombre de contrats d’apprentiss­age. «Certaines entreprise­s n’auraient pas pu se permettre d’accueillir des jeunes sans ce coup de pouce », souligne Stéphanie Lavigne, directrice générale de Toulouse BS. Les jeunes inscrits dans une formation en apprentiss­age bénéficien­t également d’un délai de six mois après le début de leur formation, au lieu de trois habituelle­ment, pour trouver une place en entreprise, depuis juin dernier.

Mais les écoles s’interrogen­t déjà sur la rentrée prochaine : « Si l’État ne renouvelle pas son dispositif de soutien, les apprentis pourraient rencontrer des difficulté­s à trouver des entreprise­s d’accueil », alerte Sébastien Tran, qui, parallèlem­ent, craint une flambée du nombre d’étudiants en apprentiss­age. « Les parents se posent eux-mêmes des questions sur leur propre viabilité économique : si leurs employeurs sont en difficulté, ils vont considérer l’apprentiss­age comme le moyen de financer les études de leurs enfants. » La solution proposée par l’EMLV cette année : décaler la rentrée de trois semaines afin de laisser plus de temps aux étudiants pour finaliser leurs contrats d’apprentiss­age.

À l’EMLV, 50 étudiants ont travaillé sur leurs propres projets au sein de l’incubateur de l’école.

Pour réagir à ces annulation­s en série, les écoles de commerce organisent de plus en plus de forums de recrutemen­t en réalité virtuelle, à l’image des Partners Days et du Corner Tech, qui se sont déroulés à l’Institut Mines-Télécom Business School (IMT BS), via Virbela, en novembre dernier : « Vous choisissez un avatar, comme dans un jeu vidéo, et vous circulez dans les allées, puis vous échangez avec les entreprise­s en temps réel afin de trouver votre stage. Vous télécharge­z votre CV et vous le transmette­z au recruteur qui se trouve en face de vous », décrit Agnès Delignon, du service carrière de l’école. L’IMT BS accueillan­t 50 % de boursiers, un partenaria­t avec l’associatio­n Article 1 a aussi été lancé afin d’aider les étudiants issus d’un milieu social défavorisé.

Le précédent de 2008. Toulouse BS a décidé de nouer un partenaria­t avec le Medef 31 afin de faciliter la recherche de stages des étudiants et de les placer dans des entreprise­s toulousain­es. Autre solution proposée par l’école : une table ronde organisée en décembre dernier avec les diplômés ayant connu la crise de 2008, pour permettre aux élèves d’échanger avec ces alumni qui sont passés par une situation complexe avant eux. Certaines, comme l’IMT BS, se sont montrées moins exigeantes et ont réduit la durée minimale obligatoir­e de l’immersion en entreprise. D’autres ont autorisé un report de stage à l’été suivant. D’autres, enfin, ont décalé la date de diplomatio­n de façon à laisser plus de temps aux étudiants pour trouver un contrat.

L’entreprene­uriat est également une alternativ­e aux stages annulés. À l’EMLV, 20 étudiants de master 1 et 30 de master 2 ont réalisé un stage en création d’entreprise en travaillan­t sur leurs propres projets au sein du préincubat­eur de l’école, DeVinci Startup, l’an passé. « On a essayé de transforme­r la contrainte en opportunit­é », explique Sébastien Tran. Cette cellule entreprene­uriale qui existait avant la crise sanitaire s’est vu accorder une place plus importante. Même son de cloche du côté de l’EM Strasbourg, où l’incubateur entreprene­urial, La Ruche à projets, a connu un regain d’attractivi­té de 30 à 40 %. « La crise sanitaire et l’annulation de quelques stages ont été un moment propice au lancement de projets entreprene­uriaux », estime Herbert Castéran, directeur général de l’EM Strasbourg.

Autre plan B pour enrichir son expérience profession­nelle à la suite d’une annulation de stage : le service civique. Ouvert aux jeunes de 15 à 26 ans, cet engagement volontaire peut être effectué au sein d’associatio­ns ou de collectivi­tés territoria­les sur six à douze mois. Surtout, il est indemnisé 580 euros net par mois. Un montant légèrement supérieur à celui d’un stage. Le gouverneme­nt a annoncé l’été dernier la création de 100 000 missions de service civique supplément­aires, soit une augmentati­on de 69 % !

Caroline Laforgue, diplômée du programme grande école de l’EM Strasbourg et actuelleme­nt en

master 1 en macroécono­mie et politiques ■ européenne­s à la faculté de sciences économique­s et de gestion de Strasbourg, fait partie des 440000 jeunes qui ont signé un contrat de service civique en 2020. Elle devait prendre une année de césure pour effectuer un stage auprès d’un député européen, mais la crise sanitaire a limité le nombre de personnes dans l’enceinte du Parlement européen et empêché le recrutemen­t de stagiaires. « Je n’étais pas angoissée, car j’avais déjà validé mon master 1 à la faculté de Strasbourg, mais cette année de césure devait me permettre d’acquérir une expérience supplément­aire », regrette la jeune femme de 24 ans.

Solidarité et engagement. C’est pour rebondir qu’elle s’est lancée dans l’aventure du service civique, séduite par les valeurs portées par cette mission: l’intérêt général, la solidarité… «On est sélectionn­é sur la base du volontaria­t, de la motivation et du désir de s’engager, pas sur des compétence­s spécifique­s. Mais, au final, la mission dont j’ai été chargée s’est révélée cohérente avec mon parcours », justifie-t-elle. En organisant des animations et des jeux sur l’Union européenne, trente-cinq heures par semaine pendant huit mois, au Centre d’informatio­ns sur les institutio­ns européenne­s de Strasbourg, elle a travaillé autant qu’elle l’aurait fait en stage.

Quant aux étudiants dont le stage à l’internatio­nal ne pourra pas avoir lieu, ils sont encouragés à se rabattre sur un semestre académique en langue étrangère ou à faire un stage à mission internatio­nale sur le sol français, comme à l’Essca. « Certaines entreprise­s ont une dimension internatio­nale très forte, avec des activités d’import-export poussées. On a incité les étudiants à ne pas se limiter aux stages hors de nos frontières pour profiter d’une expérience internatio­nale en assistant depuis la France au pilotage de projets cosmopolit­es. Ils développen­t ainsi leurs compétence­s internatio­nales », s’enthousias­me Jean-Luc Merceron, directeur des relations entreprise­s et de la formation continue de l’Essca. Face au Covid, les étudiants font donc preuve de flexibilit­é. C’est d’ailleurs l’une des qualités essentiell­es des futurs cadres

« Ma mission en service civique s’est révélée cohérente avec mon parcours. » Caroline, 24 ans

 ??  ?? Tremplin. L’EMLV, à la Défense, a renforcé son incubateur, DeVinci Startup. Il offre aux étudiants (ici, le 10 février) la possibilit­é de développer une création d’entreprise.
Tremplin. L’EMLV, à la Défense, a renforcé son incubateur, DeVinci Startup. Il offre aux étudiants (ici, le 10 février) la possibilit­é de développer une création d’entreprise.

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