Mode : Versace, méduse à la mode
Versace n’a pas seulement révolutionné la mode italienne : il y a aussi fait entrer la mythologie.
C’est ce qu’on appelle un signe. Quand Gianni Versace visite en 1982 le palais du 12 via Gesù, à Milan, il remarque un détail qui le convainc immédiatement d’y installer les locaux de sa maison de mode. Une figure orne les deux portes en bronze de l’entrée, et pas n’importe laquelle : celle qui fait son succès depuis 1978, Méduse. D’après une légende incontournable de la mythologie grecque, cette femme, qui était l’une des trois Gorgones, comptait parmi les plus belles d’Athènes. Dévorée par la jalousie, la déesse Athéna la transforma en une créature au regard perçant et à la chevelure tout en serpents qui changeait en pierre tous ceux qui osaient la regarder dans les yeux. « C’est une histoire de beauté éternelle, de force et de prise de pouvoir. Même avec ses serpents sur la tête, elle rayonnait de beauté grâce à son regard. Impossible de ne pas la dévisager. Mon frère Gianni l’a choisie comme emblème pour son pouvoir d’attraction mais aussi sa capacité à paralyser quiconque osait croiser son regard. C’est un symbole du pouvoir féminin, de l’autorité mais aussi de la fascination fatale, confie Donatella Versace, à la tête de la maison depuis l’assassinat de son frère, en 1997. J’aime la façon dont Méduse exprime les complexités et les passions de l’être humain, des choses que l’on peut difficilement raconter avec des mots. » Seule Persée réussira à couper la tête de Méduse ; il l’offrira à Athéna, qui en ornera son bouclier. C’est de cette figure classique de la mythologie que s’est emparé Gianni Versace, aussi passionné par la civilisation gréco-romaine que par l’esthétique baroque. Adoucissant son regard, transformant les serpents en motifs moins menaçants, il fait de Méduse le symbole de ces femmes qu’il veut habiller, puissantes, fortes, un peu extravagantes, impossibles à ignorer. De ce logo flamboyant imaginé avec son équipe en 1978, l’année même du lancement de sa marque, le créateur italien a fait un emblème de l’empire qu’il a construit au fil du temps, aujourd’hui dirigé d’une main de maître par sa soeur. Donatella, icône absolue, ne renonce ni au symbole choisi par Gianni ni à sa flamboyance. Peu à peu, Méduse a colonisé ses chaussures, son mobilier, ses bijoux, ses vêtements, sa vaisselle, ses lunettes de soleil… Et, dès la fin février, elle marquera une nouvelle ligne – opportunément baptisée La Medusa – de sacs en cuir souple, déclinés dans une palette de couleurs vives (rose corail, zeste d’orange, bleu marin…) mais aussi des formes diverses. « C’est à la fois notre passé et notre avenir. Nous avons joué avec, nous l’avons réinterprétée, mais elle reste toujours identifiable, forte, magnétique, elle aimante le regard. » À tel point qu’il est difficile aujourd’hui de voir une représentation de Méduse sans penser immédiatement à Versace. C’est ce qu’on appelle un tour de force ■
« Gianni a choisi Méduse pour sa capacité à paralyser quiconque osait croiser son regard. » Donatella Versace