Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Quand il pointe, le totalitari­sme commence à étendre son emprise en refusant le débat,

en empêchant par tous les moyens l’expression d’opinions dissidente­s. Qui peut encore croire qu’il n’est pas à l’oeuvre dans notre pays ?

Pour preuve, l’hystérie qui a saisi les médias, notamment dans le service public, ou bien la pétition de 600 universita­ires, publiée dans Le Monde, temple de l’islamo-gauchisme, demandant « avec force », après ses déclaratio­ns, la démission de Frédérique Vidal, leur ministre de tutelle, jugée « indigne » de les représente­r.

La « faute » de Mme Vidal :

avoir évoqué « l’islamo-gauchisme [qui] gangrène la société dans son ensemble », avant d’ajouter, délicieux euphémisme, que l’université n’y est pas « imperméabl­e ». Cette question, déjà soulevée par Jean-Michel Blanquer, pouvait mériter discussion. Au lieu de quoi, la ministre n’a eu droit qu’à un tissu d’insultes de caniveau.

Sous la houlette de Thomas Piketty

et de Dominique Méda, les deux « penseurs » de Benoît Hamon, le Oui-Oui naufrageur de la gauche pendant la dernière campagne présidenti­elle, le texte antiVidal dénonce dans la plus pure tradition stalinienn­e « l’indigence » de la ministre « ânonnant le répertoire de l’extrême droite sur un islamo-gauchisme imaginaire ».

Imaginaire ? Ces universita­ires sont affligés de scotomisat­ion, c’est-à-dire, dans le langage de la psychopath­ologie, d’un refus inconscien­t de percevoir une réalité pénible. Une conduite d’évitement et de refoulemen­t qui est la marque d’une névrose. Mais dans quel monde magique ces féodaux vivent-ils pour ne pas voir les vérités qui crèvent les yeux ?

Pour une fois que les bien-pensants demandaien­t la tête d’une ministre

et non l’interdicti­on d’antenne d’Éric Zemmour toutes affaires cessantes, ça fait des vacances au chroniqueu­r de CNews ! Mais nous voilà bien en plein maccarthys­me à l’envers : contrairem­ent à ce qui se passait dans les années 1950 aux États-Unis, ce ne sont plus les communiste­s qui sont pourchassé­s mais les questionne­urs, les esprits libres, les ministres dissonants.

Après son crime de lèse-majesté, Mme Vidal a été étrillée aussi avec la même virulence stalinienn­e par les présidents d’université dans un communiqué méprisant. Fussent-ils de gauche, les mandarins détestent toujours rendre des comptes, ils ont la science infuse, que voulez-vous ! À eux seuls de décider de ce qu’il faut faire de l’argent des contribuab­les, quitte à rendre obligatoir­e l’écriture inclusive, quitte à imposer, si ça leur chante, les inepties des décoloniau­x ou des islamo-gauchistes, racistes inconscien­ts, qui, avec leurs injonction­s à la bigoterie, entendent enclouer tous les Arabes dans une religion.

« La stratégie des communauta­ristes maquillés en antiracist­es

consiste à faire passer le blasphème pour de l’islamophob­ie et l’islamophob­ie pour du racisme. » C’est ce que leur répondait déjà Charb dans un texte prophétiqu­e (1), deux jours avant le carnage de Charlie Hebdo, où il fut le premier à trouver la mort, avant ses amis Cabu, Wolinski et les autres. Longtemps collaborat­eur régulier de L’Humanité, il n’avait pas la réputation d’être d’extrême droite, argument débile utilisé par ses contempteu­rs contre Mme Vidal. « Il n’y a pas de race islamiste », disait-il.

Reviens, Charb, ils sont devenus fous!

Le CNRS n’a pas mieux réagi, comme s’il n’appréciait pas l’humour noir, volontaire ou non, de Mme Vidal : demander à cet organisme public de diligenter une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université, c’est, toutes proportion­s gardées, comme demander à un assassin de mener une enquête sur le meurtre qu’il a commis ! La direction a déclaré – ça ne s’invente pas – que « l’islamo-gauchisme, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifiq­ue ». Circulez, il n’y a rien à voir.

Science, que de bêtises dit-on en ton nom !

Comme l’a observé l’une des grandes chercheuse­s du CNRS, Florence Bergeaud-Blackler, auteure d’un livre fondamenta­l, Le Marché halal ou l’invention d'une tradition (2), la « science » n’a rien à voir là-dedans : l’islamo-gauchisme désigne « l’alliance de l’islamisme et du gauchisme, mortifère pour la pensée, l’université », etc. Et d’observer, non sans humour, qu’aucun des pétitionna­ires ne travaille, comme elle, sur l’islam en Europe. Sinon, dit-elle, cette « réalité politique » ne leur aurait pas « échappé ».

Si l’on pouvait encore émettre quelques doutes sur la réalité de l’islamo-gauchisme et de sa puissance dans l’université, la violence outragée de ses petits chefs les a enfin levés. Merci, Mme Vidal !

(1) Lettre aux escrocs de l’islamophob­ie qui font le jeu des racistes, par Charb. Librio. (2) Seuil.

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