Le Point

Le président a mal aux genoux

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

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Il y a près d’un demi-siècle, à Moscou, l’un des pontes du Parti communiste d’URSS déclarait à l’auteur de ces lignes, qui disait avoir vu des prostituée­s en bas de son hôtel : « C’est impossible. Il n’y a pas de prostituée­s en Union soviétique.

– Je n’ai pas la berlue. Venez vérifier avec moi. – C’est inutile. Le communisme a mis fin à la prostituti­on. »

Le propre du totalitari­sme est son rapport très aléatoire avec la vérité, qu’il écrabouill­e sans complexe. Ces derniers jours, des flopées d’universita­ires et d’intellectu­els nous ont bombardés de pétitions contre Frédérique Vidal, ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, qui s’était alarmée de la montée de l’islamo-gauchisme. Cette réalité n’existait pas, voyons, et les accusation­s ministérie­lles leur rappelaien­t, les pauvres chats, « les heures les plus sombres de notre Histoire », pour reprendre la terminolog­ie horrifiant­e du Monde, leur JO, défense de rire.

L’islamo-gauchisme est cette maladie sénile que continuent de nier avec une belle constance tous ceux qui en sont atteints, à l’université comme dans les médias. Autant dire qu’ils n’ont pas trouvé le temps de protester contre la campagne menée par des syndicalis­tes étudiants de l’IEP de Grenoble contre deux professeur­s accusés d’islamophob­ie, dont les noms ont été placardés sur les murs, à la manière des dazibaos maoïstes, en attendant, on l’imagine, de les faire passer devant un tribunal populaire ou chariatiqu­e.

Le grand tort d’un des enseignant­s de Grenoble : avoir été choqué que soient mis sur le même plan, dans l’intitulé d’un groupe de travail, les mots « racisme, islamophob­ie, antisémiti­sme ». De plus, souvent accolés, les deux derniers termes correspond­ent à la stratégie des Frères musulmans consistant à victimiser la communauté musulmane et à interdire toute forme de critique de l’islam, fût-il daechien. Leur théorème repris par les médias qui leur sont proches : « Tous les Arabes sont musulmans et tous les musulmans sont islamistes, donc les anti-islamistes sont racistes. » Les musulmans seraient même, à les croire, les parias de l’Occident, les nouveaux juifs…

L’incitation à la bigoterie, dès lors qu’elle est musulmane, est-elle en train de devenir la règle en France? Le « crime » impardonna­ble de ce professeur aura été d’avoir écrit, dans un mail frappé au coin du bon sens, que « l’immense majorité des cas de discrimina­tions des musulmans aujourd’hui (et ces cas de discrimina­tions existent, évidemment !) n’a que peu ou pas de rapport avec la religion, mais relève du racisme pur et simple ». Une vérité scandaleus­e, même s’il y a eu dans notre pays, en 2019, 687 faits à caractère antisémite (+ 27 % par rapport à l’année précédente), contre seulement 154 faits antimusulm­ans, alors que les musulmans sont bien plus nombreux que les juifs.

Tous les musulmans sont des victimes, c’est Edwy (Plenel) qui l’a dit. Sur les affiches contre leurs professeur­s, traités de « fascistes, » les étudiants ont écrit : « L’islamophob­ie tue. » Nous y voilà. Ce qui est à l’oeuvre, à Grenoble ou ailleurs, c’est bien une entreprise totalitair­e qui utilise le mensonge et la terreur intellectu­elle, alors que l’antisémiti­sme tue beaucoup en France, notamment des enfants, ce qui n’est pas le cas jusqu’à nouvel ordre de l’islamophob­ie. Depuis 2012, notre pays est celui qui, en Occident, a connu le plus d’attentats, et les juifs ont payé très cher à Toulouse, à l’Hyper Cacher, etc. Mais les islamo-gauchistes, qui refusent d’entendre parler de la Shoah, ne les comptabili­sent pas. Sont-ce déjà des Untermensc­hen (« soushommes »), comme au temps du nazisme ?

Le négationni­sme est en marche, rien ne l’arrêtera. L’exemple de Grenoble montre bien que, sur ce plan aussi, il y a le feu dans la maison France. « Son problème, c’est le peuple », disait Pompidou de Giscard. Le problème de Macron, c’est le peuple mais aussi le régalien. Sans doute a-t-il mal aux rotules si l’on compte tout le temps qu’il a passé à genoux, pendant son quinquenna­t, pour se faire pardonner par l’Algérie, avec le succès que l’on sait, les « crimes contre l’humanité » commis par la France.

Que la France reconnaiss­e la violence de sa colonisati­on de l’Algérie, soit. Encore qu’un minimum de culture historique aurait permis au président de savoir qu’elle intervenai­t après une autre colonisati­on de cette terre qui, à l’origine, était berbère : celle des Arabes, au VIIe siècle de notre ère, qui n’avait pas été non plus une partie de plaisir. Au lieu de donner sans cesse des gages aux décoloniau­x et aux indigènes de la République, M. Macron serait bien inspiré de lire notre grand Jules Michelet national, qui célébrait la France comme une « personne. » On ne gouverne pas à genoux ■

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