Marine Le Pen, championne de la laïcité
À qui va la confiance des Français
C’est une « révolution » pour le parti à la flamme. Dans un sondage réalisé pour Le Point par l’institut Ipsos et Sopra Steria, la crédibilité de Marine Le Pen apparaît, pour la première fois, en pointe sur un sujet brûlant : 36 % des Français lui font confiance pour défendre les valeurs de la République et la laïcité, contre 35 % à Emmanuel Macron. « Le coup de force est remarquable », souligne Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos France.
« À l’époque de Jean-Marie Le Pen, le parti considérait encore la République comme la gueuse. » Marine Le Pen l’a érigée en instrument de lutte contre les communautarismes. Sur d’autres éléments de confiance comparée, comme la défense du pouvoir d’achat ou la lutte contre les inégalités, elle fait désormais jeu égal avec le président, et les Français lui font davantage confiance pour assurer l’avenir du système de retraites. Si elle ne convainc pas sur la défense de l’environnement, un thème peu investi par le RN, elle écrase le chef de l’exécutif en ce qui concerne ses thèmes de prédilection que sont l’immigration et la délinquance.
Quant à l’image de Marine Le Pen et du parti qu’elle représente, elle apparaît aussi de plus en plus lissée. 53 % des Français considèrent ainsi que le Rassemblement national est « un parti dangereux pour la démocratie », en chute de 8 points depuis septembre, et 52 % le voient comme un parti « xénophobe ». « C’est une vraie fracture avec le passé », souligne Brice Teinturier, qui prévient toutefois des limites de cette « normalisation ». Pour les électeurs du PS
(73 %), d’EELV (84 %) ou de LREM (89 %) et, dans une moindre mesure, pour ceux de La France insoumise (68 %), le RN reste une menace pour la démocratie. En réalité, Marine Le Pen se « désextrémise » essentiellement auprès des électeurs de LR, qui ne sont plus que 57 % à trouver le parti dangereux. Mais elle est encore loin de rassurer : 76 % des Français redoutent que la France n’assiste à de fortes tensions sociales (manifestations, affrontements…) si elle était élue
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font hurler en choeur : « À bas Le Pen ! » « Marion n’avait que 7 ans… » Et les médias se déchaînent. Bruno Gollnisch, le directeur de campagne, en fait plusieurs syncopes quotidiennes. « Toutes les règles de droit, les règles constitutionnelles, ont été bafouées au cours de ces quinze jours. Un journaliste de France Inter, pour respecter le temps de parole, a scandé “Le Pen, Le Pen, Le Pen” pendant six minutes sur fond de chants nazis. Sur la radio publique ! » Par trois fois, il ira se plaindre au CSA. « Tous les médias, d’une façon incroyable, nous injuriaient, déformaient nos positions… J’ai lu que les épouses d’origine étrangère devraient quitter la France, Libération a écrit que les handicapés seraient mis dans des camps. Des camps ! » Au CSA, « ils regardaient tous leurs chaussures, et Dominique Baudis me dit : “Les directeurs de chaîne affirment que les règles sont observées.”» J’ai revu Baudis plus tard au Parlement européen : « Vous vous foutez de notre gueule ? Et il m’a avoué qu’ils ne contrôlaient rien… » Au siège du parti, Marine Le Pen reçoit des témoignages par centaines. Mais la directrice juridique renonce à porter plainte… « Les juges ne les condamneront jamais », la convainc son père. Une conférence de presse, organisée à Bruxelles, est interrompue par des élus socialistes, qui envahissent la salle. Les meetings prévus à Paris et à Lyon sont annulés, sur demande de la préfecture, qui redoute des affrontements. Seul celui de Marseille a lieu – dans une salle aux deux tiers vide. Omniprésente au siège, Marine Le Pen fait le lien avec les journalistes, qui apprécient sa blondeur et son côté « va-de-la-gueule », prenant à peine le temps d’embrasser ses enfants et de nourrir ses chats.
Le 2 mai, en marge d’un enregistrement à la Maison de la Radio, Jean-Marie Le Pen fait le point, avec Alain Vizier,
Même s’ils se sont « réconciliés » et que « Marine vient [le] voir de temps en temps », ils ne parlent pas de politique. « Jamais. »