Fou d’histoire, proche de Poutine et de Le Pen, Pierre Malinowski offre une sépulture aux héros soviétiques.
jourd’hui transformé en musée. Depuis l’encerclement de ses 330 000 hommes par l’armée russe, le 23 novembre 1942, les deux tiers sont morts au combat, de faim, de froid. Les Russes font 90 000 prisonniers, dont 25 généraux, prennent des milliers de chars, d’avions, de canons. La défaite allemande est colossale.
« Les officiels d’ici m’ont dit : “Enterrer des soldats sur la colline Mamaïev ? C’est impossible”, explique en riant Malinowski. Ça m’a excité. Je m’en tape, je les affronte, Poutine adore. » Car l’ancien militaire, exassistant parlementaire de Jean-Marie Le Pen, créateur de la Fondation pour le développement des initiatives historiques franco-russes, jouit de l’indéfectible soutien du président russe, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, et de son bras droit, Dmitri Peskov, dont la fille Elizaveta est vice-présidente de la Fondation. L’aspect financier est assuré par un discret oligarque passionné d’histoire militaire. Tout cela n’est pas sans faire grincer des dents du côté des potentats locaux, peu réputés pour leur sens de la diplomatie.
Parmi ses invités, on trouve deux membres de la famille de Gaulle.
le cimetière militaire de Rossoschka, Charles Shay s’est agenouillé, comme il le faisait pour soigner ses camarades blessés, cette fois devant les tombes surmontées de casques criblés d’éclats. Plume à la main, il a alors entamé une prière indienne à la mémoire des morts.
Dans le hall de l’hôtel Volgograd, on croise le petit-fils du maréchal Tchouïkov, le défenseur de la ville, et, parmi les membres de la délégation française, Maurice Leroy, l’ancien ministre de la Ville de Nicolas Sarkozy, reconverti dans les affaires en Russie, ou Xavier Emmanuelli, le fondateur du Samu social, accouru au seul nom de Stalingrad. « Je suis là parce que Stalingrad, c’est le tournant de la guerre, explique-t-il. Sans le sacrifice des Russes, nous aurions vécu dans un monde barbare et cruel. Ce qui s’est passé ici, c’est le combat de Gog contre Magog. »
Mais l’aventure de Malinowski dans l’ex-pays des soviets illustre aussi ce qui reste de la relation franco-russe. Pour avoir compris instinctivement que la mémoire est la base de toute politique, le gamin né à Orainville, une commune proche du Chemin des Dames, obsédé par le sacrifice des poilus et qui a passé sa vie à fouiller la terre sans trop s’embarrasser de paperasses administratives, est devenu, un temps, ambassadeur officieux entre le Kremlin et l’Élysée. Extraordinaire résurrection. Durant ses huit ans d’armée, des « écarts de conduite » l’avaient fait apparaître sur les radars des services de renseignement. Après son passage au Front national, il écope d’une notice Interpol – aujourd’hui annulée – pour avoir été l’un des membres de l’expédition ayant organisé l’évasion des pilotes d’«Air Cocaïne», en 2015. Mais quand, en 2016, il découvre non loin de chezluilesrestesd’unsoldatducontingent russe tué lors de l’offensive sur le mont Spin en 1917, il attire l’attention
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filmant avec son smartphone et recevait des textos des conseillers du président. Aujourd’hui, il dit avoir perdu ses soutiens au Château. « Je m’en fous. Je vis à Moscou. En France, je n’existe plus, je n’ai même pas de compte en banque. »
La capitale russe est aussi un bon balcon sur le populisme à l’approche de l’élection présidentielle en France, et l’Élysée surveille les relations de Malinowski comme le lait sur le feu. Ce dernier ne cache pas son admiration pour Jean-Marie Le Pen, qui l’a toujours soutenu. Et, s’il a rompu avec sa fille Marine, sa meilleure amie se nomme Marion Maréchal… Il doit également composer avec des poursuites judiciaires en France. Sa dernière découverte, en décembre 2020, évidemment sans autorisation, du tunnel de Winterberg, près de Craonne, où
Finie, l’époque où cet admirateur de Le Pen se baladait en tee-shirt dans les couloirs de l’Élysée…
Pour rallier le champ de fouilles, il faut embarquer dans un UAZ, sorte de minibus 4 x 4 qui passe partout en sautant d’une ornière boueuse à l’autre. Les fouilleurs russes sont des spécialistes. Ici, exhumer les corps pour leur rendre hommage est un sport national. Bien sûr, il y aussi les pillards, en quête de pièces qui se vendront bien sur Internet car venant du champ de bataille le plus meurtrier de l’Histoire.
« Blindé ». L’ambiance est excellente dans cette équipe d’une cinquantaine de passionnés. Encore plus quand Pierre Malinowski déboule sur le champ de fouilles, distribue les bouteilles de champagne et dégaine des paquets de roubles pour payer des frais de matériel trois fois le prix à des terrassiers russes fascinés par cet homme qui a parlé à Poutine. Brinquebalé dans l’UAZ du retour, Pierre Malinowski l’avoue : il est « blindé ». Sa dernière lubie : acheter des reliques historiques. Le gilet du dauphin Louis XVII, pour 20000 euros; des cheveux et un masque mortuaire de Napoléon ; un morceau de sa pierre tombale, la serviette du sacre de Louis XVI et Marie-Antoinette. « Sinon, c’est les Chinois qui vont tout nous piquer », hurle-t-il dans un bond du UAZ. Pas les Russes ?
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