« On voit trop peu de responsables RSE dans les comités exécutifs »
L’entrepreneuse et militante Flora Ghebali met en garde contre le « greenwashing ».
Vous écrivez que la jeune génération est sensible aux politiques de responsabilité sociale et environnementale mais qu’elle s’en méfie. Pourquoi? Flora Ghebali:
Notre génération n’est pas dupe de l’effet d’affichage, qui est souvent du greenwashing [en marketing, procédé visant à se donner une image écologique responsable, NDLR] ou du socialwashing. Les entreprises se sont intéressées à ce sujet au mauvais moment. Quand elles ont vu que l’environnement allait être à la mode, leur service marketing a tout repeint en vert ! Mais peu après ont émergé des outils numériques qui ont permis le fact checking, la vérification des informations. La défiance des jeunes s’est installée. Entre 2007 et 2009, la vague de greenwashing aura une conséquence nette : la confiance dans le discours des entreprises passe de 67 à 27 % !
Les entreprises ne sont-elles pas sincères?
Dans Green Swans, son livre sur la régénérescence du capitalisme, John Elkington décrit cinq étapes. D’abord, le déni et le rejet du changement climatique, puis l’ère symbolique où les entreprises font du greenwashing, puis le travail en coalition avec des partenaires, puis la décroissance, et enfin la régénérescence. On est entre la première et la troisième phase. Certaines sociétés s’ouvrent, comme Total, qui recrute beaucoup de diplômés issus des écoles de production, ces structures qui remettent dans le circuit des jeunes éloignés de l’emploi. C’est mieux que d’investir des millions dans des campagnes de promotion pour recruter !
Flora Ghebali Fondatrice de l’agence d’innovation économique et sociale Coalitions* La RSE est-elle un argument pour attirer les jeunes diplômés?
Oui, encore faut-il qu’il s’agisse d’une vraie politique RSE, portée par des dirigeants dignes de cette mission. Certains patrons m’ont dit : « On a créé une fondation, c’est notre supplément d’âme ! » Mais cette générosité, d’essence chrétienne, n’a rien à voir avec le coeur du business. La RSE doit transformer une entreprise sur ses aspects sociaux et environnementaux pour obtenir un modèle rentable. Or trop souvent, le directeur RSE est un ex-DRH qu’on place là comme dans un placard, avec des rapports à rédiger. On marginalise le sujet. On voit trop peu de responsables RSE dans les comités exécutifs des entreprises, comme BNP Paribas l’a fait
■
Et autrice de Ma génération va changer le monde (L’Aube, 216 p., 17 €).