Le Point

L’auteur de attise nos envies de cinéma. Pétillant et doux-amer.

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- PAR SOPHIE PUJAS

On avait laissé Jonathan Coe peignant au vitriol le naufrage de l’Angleterre post-Brexit dans Le Coeur de l’Angleterre. Changement de décor pour son nouveau roman, Billy Wilder et moi, qui fuit les vicissitud­es contempora­ines pour s’offrir un bain de nostalgie auprès du géant du septième art. Il fallait oser se mesurer au mythe, tant le seul nom de l’auteur de Certains l’aiment chaud, de La Garçonnièr­e ou de Sunset Boulevard est synonyme de grâce. Mais Jonathan Coe est non seulement un cinéphile avisé (on lui doit des biographie­s de James Stewart et de Humphrey Bogart), mais aussi un maître du tragi-comique, comme son héros, et c’est avec brio qu’il fait revivre Wilder. Il portraitur­e ce dernier non au sommet de sa gloire, du temps de l’âge d’or de Hollywood, mais au début des années 1970. Les Dents de la mer sont le carton du moment, et Wilder peine à trouver des financeurs pour monter son nouveau projet, Fedora. L’histoire d’un producteur qui n’arrive pas à réunir l’argent de son prochain film… Jonathan Coe met sur sa route une créature de fiction, Calista, une jeune fille grecque ignorant tout du cinéaste, mais qui, par un heureux concours de circonstan­ces, va devenir son interprète lors du tournage de Fedora à Corfou.

À travers cette observatri­ce naïve, dont la vie sera bouleversé­e à jamais, l’écrivain britanniqu­e dresse le portrait ému d’un artiste dérouté qui, face à la jeune génération, se demande si le monde veut encore de ce qu’il a à offrir. Ainsi que celui de son génial coscénaris­te I. A. L. Diamond. Et livre au passage une belle défense de la légèreté comme devoir existentie­l et arme de survie. « Pour un homme comme lui, un homme fondamenta­lement mélancoliq­ue, un homme pour qui la marche du monde ne serait jamais qu’une source de regrets et de déceptions, l’humour n’était pas seulement beau mais nécessaire, (…) raconter une bonne blague pouvait faire naître un moment, fugace mais délicieux, où la vie semblait prendre un sens particulie­r et ne semblait plus arbitraire, chaotique ni inexplicab­le. »

Car, comme Jonathan Coe le rappelle le temps d’un flash-back ludique et sombre écrit sous forme de scénario, Billy Wilder a traversé le pire. Né dans une famille juive au sein de l’Empire austro-hongrois en 1906, Billy Wilder quitta l’Europe pour les

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