Le Point

Viva Arzalluz !

La directrice espagnole du palais Galliera est l’une des rares étrangères à la tête d’un musée français. Rencontre.

- ANNE-SOPHIE JAHN

par le terrorisme et meurtri par une crise économique majeure. Son père, Xabier Arzalluz, mort en 2019, a été l’une des figures majeures du Parti nationalis­te basque, qu’il dirigea durant plus de vingt ans. Sa mère était avocate. C’est dire si, à table, où l’on passait indifférem­ment du basque à l’espagnol, on parlait plutôt politique, économie et histoire que falbalas et robes de bal. Miren étudie la politique internatio­nale à la London School of Economics, puis l’histoire de l’art et celle de la mode, au Courtauld Institute. « La mode peut tout révéler d’une époque : la sensibilit­é artistique, le contexte socio-politique, l’évolution des moeurs, les innovation­s techniques, s’enthousias­me-t-elle. On est aux confluence­s de multiples domaines… D’ailleurs, dans le travail de Balenciaga, l’influence du territoire basque est fondamenta­le. »

Le Bilbao qu’elle-même a connu dans les années 1980 et 1990 était « dur, gris, pauvre », décrit-elle. Mais c’est une politique culturelle volontaris­te, dont l’implantati­on du musée Guggenheim en 1997 a été l’emblème, qui a profondéme­nt modifié le visage de la région. « Quand j’y retourne, je vois une ville transformé­e », dit-elle avec ce grand sourire souligné au rouge vif qui est son signe distinctif. « Le rouge à lèvres, c’est un peu mon armure », expliquet-elle en resserrant la ceinture de sa veste sombre.

Déjà trois ans de mandat et si peu de mois d’ouverture… Miren tente de relativise­r sa mauvaise fortune, évoque la solidarité nouvelle qui s’est instaurée entre les directeurs de musées européens et essaie de se projeter dans l’avenir… Étienne Daho vient de faire à Galliera une importante donation de ses tenues de scène. La rétrospect­ive Chanel, puisque les musées vont rouvrir avant l’été, pourrait connaître une seconde chance. Et puis il y a cette collection unique au monde de 200 000 pièces, que les nouveaux espaces d’exposition vont permettre enfin de montrer au public dans toute leur variété et leur richesse, de la robe Seins obus conçue par Jean Paul Gaultier au corset de la reine Marie-Antoinette, des tenues portées sur scène par Juliette Gréco à l’affolant manteau de perruques blondes imaginé par Martin Margiela, toutes ces merveilles qui devraient réveiller les confinés que nous sommes devenus, privés du regard des autres, abonnés au jean mou et au sweat informe… « La mode, dit Miren en mordant ses lèvres rouges, c’est aussi, parfois, ce qui permet de tenir. »

Dans la bouillante ville de Lagos des années 1970, il a été le pionnier de l’afrobeat avec son ami Fela Kuti. Son art des percussion­s était si unique que Tony Allen a vite été reconnu comme le meilleur batteur du monde. Grâce à sa singulière capacité à étirer les battements les plus rapides et à les suspendre dans le temps, il jetait ses auditeurs dans un espace-temps parallèle, surnaturel. Élevé au rang de légende musicale, il a passé sa vie à fureter du côté du jazz, de l’électro, du rock et de la pop : artisan de la fameuse «Ritournell­e» de Sébastien Tellier, il avait même monté le supergroup­e The Good, The Bad and The

Queen avec Paul Simonon (The Clash), Simon Tong (The Verve), et Damon Albarn (Blur et Gorillaz). À 79 ans, il soufflait toujours les jeunes musiciens par sa classe folle et son énergie démoniaque. Un an après sa disparitio­n, le Nigérian fait résonner ses baguettes depuis l’au-delà dans un 15e album solo posthume. En 2019, il a rassemblé les nouvelles langues les plus fourchues du rap (la ZamboAustr­alienne Sampa the Great, l’Américain Lord JahMonte Ogbon, la Kényane Nah Eeto…) dans un opus au groove inédit. « La musique ne finit jamais », disait-il

There Is No End (Blue Note).

Je ne suis pas encore morte, de Lacy M. Johnson, traduit de l’anglais par Héloïse Esquié (Sonatine, 288 p., 20 €).

«Je jaillis par la porte vitrée, les bras battant comme deux hélices désaxées, titubant comme une femme brûlée vive : les cheveux et les vêtements en flammes. » La narratrice vient d’échapper à son bourreau. L’homme en cavale sera inculpé, mais jamais jugé « pour kidnapping, détention criminelle, sodomie et viol ». On a l’impression de lire un fait divers américain – encore un. Sauf que le « je » narratif, direct, raconte, sans artifice, l’histoire de l’autrice. Le récit glace comme un aveu qu’on n’attendait pas. Parce que le violeur s’appelle « L’Homme avec qui je vis », qu’il est le mari, le petit ami, le compagnon de chacune. Parce qu’elle avait décidé d’échapper à sa brutalité mais que son refus n’a pas été entendu. Rescapée, Johnson a dû reprendre possession d’un « corps qui n’existe plus que dans le miroir». Elle s’est résolue à transforme­r son rapport aux souvenirs. Ce qui donne ce témoignage terrible, ce livre-justice. Qui aurait pu s’appeler « Résilience » si Boris Cyrulnik ne l’avait déjà inventé

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 ??  ?? L’autre Coco. Montrant l’oeuvre multiforme et surprenant­e de la couturière parisienne, la première rétrospect­ive en France de Gabrielle Chanel, en octobre 2020, a connu un immense succès. Reprise le 19 mai…
L’autre Coco. Montrant l’oeuvre multiforme et surprenant­e de la couturière parisienne, la première rétrospect­ive en France de Gabrielle Chanel, en octobre 2020, a connu un immense succès. Reprise le 19 mai…
 ??  ?? À Alexandrie, en 1995, des archéologu­es remontent à la surface la statue colossale du roi Ptolémée II.
À Alexandrie, en 1995, des archéologu­es remontent à la surface la statue colossale du roi Ptolémée II.
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