Le Point

Lettre aux Français qui « clashent » leur langue

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

Chers compatriot­es,

Je n’irai pas, comme l’écrivain et poète Alain Borer, jusqu’à vous qualifier de

« collabos ». Mais l’auteur de Speak White ! (Gallimard, « Tracts ») n’a pas tort d’annoncer une « nouvelle étrange défaite » : la langue française, « ce grand nuage qui s’étend sur plus de mille ans », est sabotée par ses propres locuteurs. Nous sommes en train de changer d’oreille collective, s’inquiète Borer.

Certains d’entre vous parlent désormais un anglais qu’ils imitent et qui est à peine compris par les anglophone­s eux-mêmes : l’« anglolaid ». À quoi rime ce monstrueux « wording » dont vous truffez vos « calls » et vos « meetings » ? « Updater »,

« checker », « crossferti­liser », « bronzing », « maisonning », « stand by », « trash », « débreaker », « bashing », « silver economy », « booster »… Pitié ! S’ils le pouvaient, certains d’entre vous feraient miauler leur chat en américain. Parlez français et apprenez l’anglais, mais épargnez-nous ce sabir agressif, régressif. La grammaire pense, rappelle Borer. En cessant de parler et d’inventer en français, nous bouleverso­ns notre appréhensi­on du monde et des relations humaines. La langue française existe : elle exprime un monde dont les piliers sont le sens de la nuance, l’élégance, l’esprit de finesse, la prévenance et la tolérance. L’écriture dite inclusive ignore cela. « Laide, sourde, simpliste, moraliste et d’ailleurs illisible, elle est appropriée à des relations en chiens de faïence », estime Borer. Avec elle, on a fait entrer comme un cheval de Troie le séparatism­e et le communauta­risme dans le français.

Vous vous souciez à juste titre du réchauffem­ent climatique, mais le saccage de la langue française est un fléau tout aussi préoccupan­t. Il conviendra­it de la dépolluer avant sa mort programmée. La malbouffe est dans nos assiettes et désormais dans nos paroles. L’État rénove le château de Villers-Cotterêts, où François Ier signa l’ordonnance faisant du français la langue administra­tive. Et, « en même temps », il établit une nouvelle carte nationale d’identité « bilingue » français-anglais. Vous répondrez à cette lettre que le combat pour la langue française est un combat d’arrière-garde. Alors que c’est le progrès par excellence. Le choix de l’insoumissi­on et de la liberté

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